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Fait des choses et responsabilité d'un tiers
I – Sur la responsabilité du tiers
II – Sur la limite de la garantie
Risque hygiène sécurité
Sur les obligations de la caisse primaire en matière de délai de remise du questionnaire dans le cadre de l'instruction d'un dossier d'AT
L'absence de taux d'IPP ne permet pas la condamnation de l'entreprise utilisatrice à garantir l'employeur juridique des surcoûts de cotisations d'accident du travail
Précisions relatives à l'obligation d'information de la CPAM
Faute inexcusable : suspension du cours de la prescription biennale jusqu'au résultat de l'expertise prévue au procès-verbal de conciliation
Faute inexcusable envers un intérimaire détaché auprès d'une entreprise utilisatrice d'un autre Etat membre de l'Union : les critères d'application du règlement européen n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Risque contentieux social
Risque de licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur notifie un licenciement pour refus de reclassement alors qu'il était expressément dispensé de recherches
Le salarié déclaré inapte peut contester la dispense de reclassement émise par le médecin du travail
Quand le formalisme relatif à la renonciation figurant dans la clause de non-concurrence s'impose à l'employeur
Caractérisation automatique du préjudice lié au non-respect du temps de pause et d l'interdiction de travail pendant la suspension du contrat pour arrêt maladie.
La Haute Juridiction rappelle les conditions d'indemnisation du préjudice d'anxiété en droit commun
Rappel par la Cour de cassation des règles relatives à l'inaptitude
Risque pénal
Blessures involontaires et infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs :
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Publication du guide sur l'écoconception des infrastructures portuaires
Décret n° 204-529 du 10 juin 2024 portant diverses relatives à l'évolution environnementale des projets
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Fait des choses et responsabilité d'un tiers
L’affaire est singulière quant aux circonstances à l’origine du sinistre, et surtout pour l’articulation des notions juridiques employées. Evoquant à la fois la responsabilité du fait des choses, la faute d’un tiers et la garantie de l’employeur, la 2ème chambre de la Cour de cassation, par son arrêt du 5 septembre 2024 (n°21-23442 et 21-24765), nous donne l’opportunité non seulement de revenir sur ces notions, mais également d’en mesurer l’incidence sur des contentieux connexes.
Les faits en cause portent sur une exposition à une substance chimique de salariés d’une entreprise de surveillance, alors qu’ils faisaient une ronde au sein d’une entreprise cliente. La qualité de tiers à la relation de travail de cette dernière n’est pas contestable.
A l’occasion de cette mission, les salariés inhalèrent une substance toxique justifiant leur évacuation vers un hôpital. Le sinistre a fait l’objet d’une déclaration par l’employeur puis d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle en l’absence d’éléments de nature à renverser la présomption.
Les salariés souhaitaient toutefois obtenir davantage et notamment l’indemnisation de leurs préjudices personnels. Plutôt que d’introduire un recours en faute inexcusable, ils ont recherché la responsabilité de l’entreprise bénéficiaire de la prestation, tiers au contrat de travail, sur les fondements du droit commun de la responsabilité civile.
La substance toxique inhalée, en l’occurrence une émanation gazeuse, peut être considérée comme une chose dont la garde était assurée par l’entreprise cliente. C’est sur ce fondement que les salariés ont attrait cette dernière au visa des dispositions de l’ancien article 1384 alinéa 1er du code civil.
La défenderesse appelle en la cause l’employeur juridique au motif que la convention de prestation prévoyait la responsabilité de ce dernier, au titre d’une garantie, pour toute action menée par ses salariés à l’encontre du client.
Les juges d’appel retiennent la responsabilité du fait des choses et se prononcent en faveur de la garantie sollicitée, conformément à la convention conclue.
C’est un double pourvoi qui est formé. Le premier par l’entreprise tierce, contestant l’imputabilité de l’intoxication, le second par l’employeur s’opposant à la mise en œuvre de la garantie conventionnelle.
Par sa décision du 5 septembre, la Cour confirme l’arrêt déféré quant à l’imputabilité et à la responsabilité du fait des choses en résultant. En revanche, elle casse l’arrêt sur le pourvoi de l’employeur, au motif que la convention en cause était nulle de plein droit « car contraire aux articles L.451-1 et L452-2 du code de sécurité sociale et que l’employeur n’avait pas commis une faute intentionnelle ».
I – Sur la responsabilité du tiers
Défini négativement quant au contrat de travail, le tiers peut s’entendre de toute personne extérieure à la relation de subordination. Si cette notion a évolué pour être élargie à celle de participation à un service organisé, la notion de tiers reste similaire à savoir, tiers à la relation de travail.
De cette qualité dépend l’application de règles juridiques distinctes de celles de la sécurité sociale (a), sans exclure qu’en cette matière le tiers puisse être également mis en cause(b)
A/ Une responsabilité non fautive
L’article 1384 devenu 1242 alinéa 1 du code civil ne traite pas de la notion de tiers à proprement parler mais de celle de gardien, dont le fait dommageable l’oblige à une indemnisation. La jurisprudence a connu une longue évolution pour intégrer les changements intervenus dans la nature et la transmission des choses matérielles, si bien qu’aujourd’hui et concernant l’espèce commentée, une responsabilité du fait des choses peut être retenue pour une émanation de substance toxique.
Dans sa motivation, confirmée par la Cour de cassation, la Cour d’appel a retenu cette concomitance d’une part et l’absence de preuve d’une exposition à une autre substance pouvant être stockée dans une autre entreprise.
L’origine du fait dommageable n’étant pas contestable, s’agissant d’une responsabilité non fautive, ne restait que la notion de garde à caractériser. Sur ce point la Cour d’appel considère que la société « propriétaire et exploitante de l’usine (…) est gardienne, au sens juridique du terme, des substances qui peuvent émaner en son sein ».
Même si le débat ne portait pas sur la genèse chimique de l’émanation et sur le point de savoir si elle était inhérente à la substance, ou si celle-ci faisait l’objet d’un traitement thermique, la question aurait pu se poser, et notamment celle du caractère inerte ou non de la chose (s’agissant d’une émanation gazeuse) quant à la causalité à démontrer par les demandeurs.
Toujours est-il que de cette responsabilité pour fait dommageable, les salariés ont obtenu une indemnisation complémentaire à l’égard du tiers responsable, bien que non fautif. Or cette qualification a une incidence en termes de tarification.
B/ L’incidence sur le contentieux de la tarification
La logique de fixation du taux de cotisation AT/MP ressortit à la fois du domaine financier et de la prévention des risques professionnels. Pour la première branche, et selon le mode de tarification dépendant de l’effectif de l’entreprise, il y a un financement direct, ou partiel, selon la sinistralité de l’établissement.
Selon cette même logique, l’objectif de prévention des risques professionnels, au-delà de la personne du salarié, est renforcée par le gain financier, ou à tout le moins, l’absence d’augmentation du taux de cotisation.
Toutefois, cette logique à la fois financière et préventive ne vaut que lorsqu’elle est contre l’employeur, ce dernier étant redevable, au titre de la subordination, de l’obligation de santé et sécurité au travail.
En l’espèce le tiers responsable de l’émanation a vu sa responsabilité civile engagée pour fait dommageable. Mais il existe également une action, initiée par l’employeur juridique, pour lui faire supporter le coût des prestations sociales que ce dernier s’est vu imputer.
Ainsi le choix procédural et indemnitaire des salariés a pu servir la cause de leur employeur juridique quant au report des prestations sociales, à tout le moins le retrait de celles-ci résultant de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
Aux termes de l’article D242-6-7 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, « lorsque des recours sont engagés contre les tiers responsables d’accidents du travail, les montants des coûts moyens correspondant aux catégories dans lesquelles sont classées ces accidents sont proratisés selon le pourcentage de responsabilité mis à la charge du tiers responsable par voie amiable ou contentieuse ». En l’espèce, aucune faute n’était relevée à l’égard de l’employeur juridique, même si la question de la prévention aurait pu être évoquée. Ainsi et du fait de la responsabilité limitée à un fait dommageable, à notre sens, l’employeur pouvait envisager une action complémentaire, sur le plan du taux de cotisation, auprès de la CARSAT.
II – Sur la limite de la garantie
Le second pourvoi formé par l’employeur, posait la question de la garantie sollicitée par l’entreprise bénéficiaire de la prestation, au prisme des dispositions du code de sécurité sociale.
A / l’ordre public et les dispositions conventionnelles
La convention dont l’entreprise bénéficiaire entendait solliciter l’application était plutôt générale et ne prévoyait pas expressément les situations d’hygiène sécurité. Ladite convention stipulait une garantie de l’employeur pour toute condamnation financière résultant d’une action des salariés à l’encontre de son client. La question de la survenance d’un accident du travail n’était pas concernée, dans la mesure où les prestations sociales étaient imputées à l’employeur juridique. Il n’en est pas de même pour les dommages et intérêts.
Au visa de l’article L452-5 du code de sécurité sociale, l’employeur soutenait que « le tiers étranger à l’entreprise reconnu responsable d’un accident du travail n’a de recours ni contre l’employeur de la victime ou ses préposés, ni contre leur assureur » et donc qu’une clause contraire à ces dispositions serait également contraire à l’ordre public.
La disposition conventionnelle au cœur des débats, portait sur le caractère automatique de la garantie, qui venait se confronter à l’objectif de prévention dudit article. Ainsi c’est plus ce caractère qui est mis en exergue que la clause en elle-même.
La Cour de cassation casse l’arrêt déféré sur ce point, rappelant qu’au visa de l’article précité et de l’article L.451-1, « sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n’a pas de recours contre l’employeur de celle-ci. »
La Cour considère donc que l’ordre public, protecteur, ne se limite pas à la seule relation salarié-employeur, mais intègre également les relations juridiques entre entreprises, portant sur l’indemnisation des salariés, et qu’à cet égard, hors faute intentionnelle, le responsable (fautif ou non), restait le débiteur définitif de l’indemnisation.
Il est donc acquis qu’une convention, de façon automatique, ne peut imposer à l’employeur une quelconque garantie. Mais la question peut se poser d’une appréciation casuistique et donc d’une faute qui indépendamment de sa gravité, emporterait l’application de la garantie.
En droit de la sécurité sociale, cette faute peut se comparer à la faute inexcusable, même si la différence sémantique nous impose d’en faire la distinction.
B / La faute intentionnelle de l’employeur
La notion de faute intentionnelle est visée dans l’intitulé du chapitre 2, titre 5 livre 4, du code de la sécurité sociale, lequel traite « de la faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur », aux articles L.452-1 à L452-5.
De cet intitulé, nous pourrions penser qu’il s’agit d’une même notion, à ceci près qu’aucun des articles cités ne définit, ni même évoque ce qu’est une faute intentionnelle, se limitant à citer la faute inexcusable.
Or l’élément intentionnel est une donnée de droit pénal, la volonté manifeste du prévenu de violer la norme pénale. Cette intention en droit de la sécurité sociale et particulièrement en faute inexcusable est considérée in abstracto, dès lors que la conscience du danger est appréciée selon la norme du « chef d’entreprise » qui avait ou aurait dû l’avoir.
Il est donc un raccourci à notre sens hasardeux de confondre, ou de généraliser les deux conceptions, dès lors qu’elles sont distinctes dans leur sens.
Si ces fautes sont similaires, dans le cas d’espèce l’employeur était assuré qu’il ne serait pas poursuivi par ses salariés, puisque ces derniers, sur le fondement des dispositions de droit commun, avaient privilégié le recours contre tiers.
Toutefois, pouvaient-ils envisager un cumul d’action indemnitaire ? la réponse est assurément négative, si nous devions considérer uniquement l’assiette de l’indemnisation des préjudices personnels. Toutefois un tel cumul peut/pourrait s’envisager, si le salarié dispose d’un taux d’incapacité, réservant sa demande de majoration de rente à son employeur et le solde indemnitaire au tiers responsable.
Aussi, la notion de faute intentionnelle ne pourrait être invoquée par l’entreprise tierce, mais son application dépendrait de la volonté contentieuse du salarié et plus certainement de son éventuelle incapacité permanente partielle, qui elle seule le motiverait à solliciter la majoration de sa rente.
A défaut, la responsabilité du tiers serait la seule retenue, comme le valide l’arrêt commenté.
Risque hygiène sécurité
Sur les obligations de la caisse primaire en matière de délai de remise du questionnaire dans le cadre de l'instruction d'un dossier d'AT
Dans cette affaire, l’employeur a engagé un recours en inopposabilité de la décision de la caisse primaire reconnaissant le caractère professionnel d’un accident du travail. Il reprochait à la caisse primaire de ne pas l’avoir informé, notamment en vertu des prorogations prévues par l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 liées à l’état d’urgence sanitaire.
La Cour d’Appel a considéré que la caisse n’avait pas respecté les garanties de délais et d’information bénéficiant à l’employeur, en ne faisant pas bénéficier l’employeur des règles de prorogations de délai de l’ordonnance du 22 avril 2020. En conséquence, la décision de la caisse a été déclarée inopposable à l’employeur.
La Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en considérant que » le délai imparti à l’employeur et à la victime ou ses représentants pour répondre aux questionnaires est seulement indicatif de la célérité de la procédure à l’issue de laquelle la caisse doit statuer sur le caractère professionnel de l’accident. Il n’est pas assorti d’aucune sanction. »
Ainsi, la caisse n’est pas tenue d’informer l’employeur du délai dans lequel l’employeur doit lui retourner le questionnaire qu’elle lui a adressé.
Cass 2e civ, 5 sept 2024, n°22-19502
L'absence de taux d'IPP ne permet pas la condamnation de l'entreprise utilisatrice à garantir l'employeur juridique des surcoûts de cotisations d'accident du travail
Dans le cadre d’un contentieux en faute inexcusable engagé par un salarié d’une entreprise intérimaire, l’entreprise utilisatrice a été condamnée à relever et garantir l’employeur de l’éventuel surcoût de cotisations d’accident du travail généré par l’imputation de l’accident sur le compte employeur.
L’entreprise utilisatrice a formé un pourvoi en considérant que le coût de l’accident du travail mis intégralement à sa charge, lorsque l’accident est entièrement imputable à la faute inexcusable de cette entreprise, doit s’entendre uniquement du seul capital représentatif de la rente.
Or, du fait de la consolidation de la victime sans séquelle indemnisable, aucune rente n’a été fixée, l’éventuelle majoration de cotisation ne pouvait être mise à la charge de l’entreprise utilisatrice.
La Cour de cassation a retenu que « pour condamner l’entreprise utilisatrice à relever et garantir l’employeur de l’éventuel surcoût de cotisations d’accident du travail généré par l’imputation de l’accident sur le compte employeur, l’arrêt relève que l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice.
En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que le taux d’incapacité permanente de la victime avait été fixé à 0%, de sorte que le coût de l’accident litigieux ne pouvait être mis à la charge , en tout ou partie, de l’entreprise utilisatrice, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Aussi, la Cour de cassation est venue préciser ce qu’il fallait entendre par « surcoût de cotisations d’accident du travail » en considérant que le coût ne pouvait être mis à la charge de l’entreprise utilisatrice en l’absence de rente.
Cass 2e civ, 5 sept 2024, n°22-18.706
Précisions relatives à l'obligation d'information de la CPAM
Dans cette affaire, la caisse primaire d’assurance maladie a, après investigations, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, une pathologie déclarée par une salariée d’une société.
L’employeur reprochait à la caisse primaire de l’avoir informé de sa possibilité de consulter le dossier et d’émettre des observations avant la fin des investigations menées par cet organisme. Il estimait ainsi que la procédure formelle de la caisse primaire était irrégulière et entraînait l’inopposabilité de la décision à son égard.
La Cour d’appel n’a pas fait droit à cette demande en considérant qu’aucune méconnaissance par la caisse de son obligation d’information et du principe du contradictoire ne peut être soulevée dans la mesure ou il était loisible à l’organisme de sécurité sociale de ne pas attendre l’issue de ses investigations pour délivrer aux parties une information quant aux dates auxquelles celles-ci, pouvaient consulter le dossier d’enquête et formuler leurs observations sur ledit dossier.
L’employeur a formé un pourvoi.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que l’arrêt de la Cour d’appel retient » que la seule circonstance que cette information ait été faite avant même la fin de l’instruction n’a aucune incidence sur l’entièreté de l’information transmise, et relève que l’employeur a été en mesure de consulter le dossier dans les délais prescrits et de présenter d’éventuelles observations. Il retient que la caisse, qui, au début de ses investigations mais plus de 10 jours avant le début de la période de consultation, avait informé l’employeur de la possibilité de consulter les pièces et de formaliser des observations, avait satisfait à son obligation d’information à l’égard de ce dernier. »
La Cour de cassation estime ainsi que la caisse primaire a respecté ses obligations d’information envers l’employeur, notamment en l’invitant à consulter le dossier et à formuler des observations dans les délais prescrits. Ainsi, la décision de prise en charge de la pathologie est opposable à l’employeur.
Cass, 2e civ, 5 sept 2024, n°22-17.142
Faute inexcusable : suspension du cours de la prescription biennale jusqu'au résultat de l'expertise prévue au procès-verbal de conciliation
Depuis 2009, la Cour de cassation jugeait que la notification du résultat de la tentative de conciliation entre la victime d’un sinistre professionnel et son employeur mettait fin à l’effet interruptif de la prescription biennale attaché à la saisine de la caisse primaire d’assurance maladie en reconnaissance de la faute inexcusable ( cas. 2e civ. 10 décembre 2009 n°08-21.969 Bull)
La décision commentée précise ce qu’il faut entendre par résultat de la tentative de conciliation : il porte non seulement sur le principe de la faute inexcusable mais également sur ses conséquences indemnitaires. Tant que celles-ci ne sont pas réglées, la conciliation n’est pas terminée et le procès – verbal de conciliation ne peut servir de point de départ au délai de prescription biennale.
En l’espèce, victime d’un accident du travail en 2011, un salarié avait saisi la caisse primaire le 17 août 2015 d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, pénalement condamné pour cet accident en décembre 2014. Un procès-verbal de conciliation fut établi le 18 avril 2017 : l’employeur y reconnaît sa faute inexcusable et accepte d’en supporter les conséquences pécuniaires qu’un expert désigné par l’accord de conciliation est chargé d’évaluer. Le 13 juin 2019, à défaut d’accord amiable, le salarié assigne l’employeur devant le pôle social du tribunal de grande instance pour le faire condamner à réparer les conséquences de sa faute inexcusable. L’employeur oppose la prescription de l’action en faute intentée plus de deux ans après la signature du procès-verbal de conciliation. La cour d’appel ayant rejeté cette fin de non-recevoir, l’employeur forme un pourvoi. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que les parties ayant convenu par procès-verbal de conciliation de la faute inexcusable de l’employeur, d’une majoration de rente, d’une indemnité provisionnelle et d’une expertise, le salarié ne pouvait être informé par ce procès-verbal du résultat de la conciliation concernant l’indemnisation complémentaire.
C’est une nouvelle entame jurisprudentielle de la prescription courte régissant l’indemnisation d’un sinistre professionnel, en faveur des demandeurs à l’action en faute inexcusable de l’employeur : ce dernier sera bien avisé de s’assurer de la teneur et de l'(in)exécution du procès-verbal de conciliation avant de croire prescrite une action en faute inexcusable tardivement intentée
Civ., 2ème , 5 septembre 2024, n° 22-16.220 Bull.
Faute inexcusable envers un intérimaire détaché auprès d'une entreprise utilisatrice d'un autre Etat membre de l'Union : les critères d'application du règlement européen n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
A quelles conditions la faute inexcusable de l’employeur français recherchée par un intérimaire délégué à une entreprise utilisatrice d’un autre état membre de l’Union européenne relève-t-elle du code de la sécurité sociale français ? L’arrêt de cassation commenté rappelle que le juge doit avoir égard non seulement aux critères tenant aux missions accomplies mais aussi aux activités de l’entreprise de travail temporaire en France..
En l’espèce, une société française de travail temporaire avait délégué à une entreprise établie en Allemagne un tourneur dont les missions s’échelonnèrent du 18 juin 2012 au 29 mai 2015. Le 17 août 2015, l’intérimaire déclare une surdité bilatérale prise en charge par la Caisse primaire du Bas-Rhin, avant d’attraire son employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du même lieu en reconnaissance de sa faute inexcusable. Le tribunal reconnait la faute inexcusable de l’employeur et condamne l’utilisatrice à l’en garantir. L’utilisatrice interjette appel devant la cour de Colmar et soutient notamment qu’au regard du règlement européen n°883/2004 du 29 avril 2004 les dispositions du code de la sécurité sociale français ne sont pas applicables : selon l’article 12§1 du règlement, la personne détachée demeure soumise à la législation de son employeur à la condition que la durée prévisible de son travail n’excède pas vingt-quatre mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée. La cour de Colmar estime ces conditions remplies en l’espèce et déboute l’utilisatrice qui se pourvoit en cassation.
La haute juridiction casse l’arrêt entrepris en relevant d’office le moyen tiré de l’article 14§2 du règlement n°987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n°883/2004 : aux termes de cet article, l’employeur « exerçant normalement ses activités » dans un Etat membre s’entend de l’employeur « qui exerce généralement des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l’Etat membre dans lequel il est établi » : une entreprise de travail temporaire doit effectuer une partie significative de ses activités de mise à disposition de travailleurs intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire dudit Etat membre (CJUE 3 juin 2021, Team Power Europe, C-784/19, point 68).
C’est pour n’avoir pas vérifié si l’entreprise de travail temporaire effectuait une partie significative de ses activités de mise à disposition d’intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités en France que l’arrêt est cassé.
Accessoirement, la Cour de cassation approuve implicitement le juge d’appel d’avoir dit que la question du statut de l’intérimaire (travailleur détaché/ou frontalier) agitée dans cette affaire était indifférente en matière de faute inexcusable.
Cass. 2e civ. 5 septembre 2024, n°22-11.017
Risque contentieux social
Risque de licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur notifie un licenciement pour refus de reclassement alors qu'il était expressément dispensé de recherches
La Cour de cassation a jugé que l’employeur ne pouvait proposer un poste de reclassement à un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, inaptitude assortie de la mention « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».Ce dernier a initié un contentieux en contestation de la procédure et notamment sur l’absence de consultation du CSE.
En effet, la Haute juridiction considère que le licenciement qui interviendrait pour refus d’un poste de reclassement par un salarié dont l’inaptitude était assortie d’une des deux mentions permettant à l’employeur d’être dispensé de recherches de reclassement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En présence d’une telle mention, l’employeur doit ainsi se contenter d’engager la procédure de licenciement au plus vite sans proposer un quelconque poste de reclassement, au risque de voir considérer la mesure de licenciement comme abusive.
Cass. Soc. 12 juin 2024, n°22-18.138.
Le salarié déclaré inapte peut contester la dispense de reclassement émise par le médecin du travail
La Haute juridiction considère que le salarié peut contester la mention portée sur l’avis d’inaptitude selon laquelle « l’état de santé du salarié fait obstacle a tout reclassement dans un emploi », cette mention reposant sur des éléments de nature médicale.
Pour rappel, le juge peut être saisi d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (C. trav. art. L 4624-7). Le salarié ou l’employeur peut alors exercer un recours contre :
– L’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude du salarié bénéficiant d’un suivi médical renforcé en raison de son affectation sur un poste à risque (C. trav. art. L 4624-2)
– Toute préconisation d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail (C. trav. art. L 4624-3)
– L’avis médical d’inaptitude physique (C. trav. art. L 4624-4).
Cass. Soc. 3 juillet 2024, n°23-14.227.
Quand le formalisme relatif à la renonciation figurant dans la clause de non-concurrence s'impose à l'employeur
Dès lors que la clause de non-concurrence prévoit la possibilité pour l’employeur de renoncer à cette clause par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de 15 jours maximum après la notification de la rupture du contrat de travail, l’envoi d’un courriel ne peut pas avoir cette conséquence.
Cass. Soc. 3 juillet 2024, n°22-17.45
Caractérisation automatique du préjudice lié au non-respect du temps de pause et d l'interdiction de travail pendant la suspension du contrat pour arrêt maladie.
Le seul constat du non-respect des règles relatives aux temps de pause ouvre droit à réparation, sans que le salarié ait à établir la réalité de son préjudice. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence (constante) de la Cour de cassation en matière de respect du repos hebdomadaire et des durées maximales de travail.
La Cour précise par ailleurs que l’employeur faisant travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie commet un manquement ouvrant automatiquement droit à réparation. Une décision conforme à la position prise le même jour par la Haute juridiction concernant le travail pendant le congé maternité .
Cass. Soc. 4 septembre 2024, n°23-15.944
La Haute Juridiction rappelle les conditions d'indemnisation du préjudice d'anxiété en droit commun
Le préjudice d’anxiété a été consacré par la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 5 avril 2019, arrêt qui avait encadré l’indemnisation de ce préjudice en imposant au salarié de rapporter la preuve de son exposition personnelle à une substance nocive ou toxique engendrant un risque élevé de développer une pathologie grave et à l’origine de son préjudice d’anxiété, apprécié lui aussi de façon personnelle.
Dans son arrêt du 4 septembre, la Cour rappelle les conditions d’indemnisation du préjudice d’anxiété et précise que :
– Le salarié doit démonter une exposition personnelle significative à une substance nocive ou toxique pouvant entrainer un risque de pathologie grave
– Le salarié doit démontrer un préjudice d’anxiété personnellement subi (la seule production d’une attestation d’exposition ne suffit pas, par exemple, à rapporter la preuve de ce préjudice)
Cass. Soc. 4 septembre 2024, n°22-20.917.
Rappel par la Cour de cassation des règles relatives à l'inaptitude
Dans deux arrêts rendus le même jour par la Cour de cassation, cette dernière rappelle les règles applicables en matière d’inaptitude notamment s’agissant de l’origine professionnelle ou non de cette inaptitude
La Cour rappelle dans un premier temps sa position constante selon laquelle dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie, et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, l’inaptitude doit s’analyser en une inaptitude professionnelle.
La Cour de cassation rappelle en outre que le droit de la sécurité sociale est indépendant du droit du travail. Ainsi, les juges du fond ne peuvent pas écarter l’origine professionnelle de l’inaptitude d’un salarié en se fondant sur l’état des relations entre ce dernier et la CPAM (et considérer que l’inaptitude serait nécessairement non professionnelle au regard d’une absence de demande de reconnaissance par le salarié auprès de l’organisme de sécurité sociale).
Il appartient ainsi au juge de rechercher si l’inaptitude a, au moins partiellement, pour origine un AT/MP et si l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
Cass. Soc. 18 septembre 2024, n°22-17.737
Risque pénal
Blessures involontaires et infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs :
Un salarié intérimaire a fait une chute alors qu’il était affecté à des travaux en hauteur.
Le Cour prononce la cassation de l’arrêt d’appel en ce que les juges ont déclaré la société et son représentant légal, coupables de blessures involontaires et de défaut de mise en place d’équipement de travail garantissant la sécurité des travailleurs,
L’arrêt de la cour d’appel énonce qu’ils auraient dû donner la priorité aux équipements de travail assurant une protection collective. Les juges ont ajouté que les seuls équipements mis à disposition des salariés étaient des plateformes individuelles roulantes, ne permettant pas aux salariés d’accéder à la hauteur nécessaire afin de nettoyer les isolants du transformateur et donc non appropriés et une échelle. Les juges d’appel s’interrogent en posant la question de savoir si l’affirmation n’est pas en contradiction avec la prévention, qui reproche de ne pas avoir mis à disposition un tel équipement.
La Cour casse l’arrêt en précisant qu’en se déterminent ainsi, par des motifs inintelligibles et dubitatifs la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Cassation des dispositions ayant déclaré la société et son représentant légal coupables des chefs de blessures involontaires et de défaut de mise en place d’équipements de travail garantissant la sécurité des travailleurs.
Crim, 17 septembre 2024, n°23-85.169.
Risque environnemental
Publication du guide sur l'écoconception des infrastructures portuaires
Dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité 2030, le ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires a publié le 23 juillet 2024 un guide sur l’écoconception des infrastructures portuaires.
La stratégie nationale portuaire (SNP) adoptée en 2021, fait de l’accélération écologique et énergétique des ports de commerce l’un de ses quatre axes majeurs. Cela inclut notamment l’aménagement d’infrastructure prenant en compte les différentes dimensions du développement durable et favorisant la préservation de la biodiversité.
Décret n° 204-529 du 10 juin 2024 portant diverses relatives à l'évolution environnementale des projets
Ce décret apporte des modifications aux rubriques suivantes :
Rubrique 1. Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : le décret précise des seuils pour l’évaluation environnementale concernant les projets d’élevages intensifs de volailles ou de porcs ; il soumet au cas par cas les essais d’injection et de soutirage de CO2 en formation géologique d’une quantité inférieure à 100 kilotonnes, lorsqu’ils sont réalisés pendant la phase de recherche ; etc ;
Rubrique 27. Forages en profondeur à l’exception des forages pour étudier la stabilité des sols : le décret corrige la référence à l’article L. 112-2 du code minier (remplacé par une référence à l’article L. 112-3 de ce même code) pour cibler les forages géothermiques de minime importance ;
Rubrique 44. Équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés : le décret précise que les « autres équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » soumis à examen au cas par cas sont ceux « susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes » ;
Rubrique 45. Opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers mentionnées au 1° de l’article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime (y compris leurs travaux connexes de la nomenclature du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement) : le décret soumet à examen au cas par cas tous les projets concernés au titre de cette rubrique ;
Ces évolutions sont applicables « aux projets pour lesquels la première autorité compétente pour autoriser le projet ou l’autorité chargée de l’examen au cas par cas sont saisies à compter » du 11 juin 2024 (date de publication du décret).
Source : cerema.fr