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Édito
Abandon de poste : la nouvelle notion de présomption de démission définitivement adoptée
Les modalités de mise en œuvre de la présomption de démission
Les difficultés que pourraient causer cette nouvelle procédure
Risque hygiène sécurité
Autorité de chose jugée et relaxe au pénal
Prescription de l’action de l’employeur en inopposabilité de la décision de prise en charge
Sur la détermination de la charge de la preuve de l'imputation de la maladie professionnelle en cas d'exposition du salarié au risque chez plusieurs employeurs
Sur l’imputation au compte spécial des dépenses relatives à une maladie professionnelle lorsqu’elle a été constatée dans un établissement dont l’activité n’a pas exposé le salarié au risque
Sur l’absence d’action récursoire de la caisse primaire en matière de faute inexcusable lorsque le jugement ne s’est pas prononcé sur ce point
Une première décision de refus de prise en charge d'une pathologie au titre d'un tableau de maladies professionnelles ne peut faire obstacle à l'opposabilité d'une seconde décision de la caisse intervenue au titre d’une maladie hors tableau ; même s’il s’agit de la même pathologie
Risque contentieux social
Consultation du CSE et impossibilité de reclassement
Validité du PV de carence et consultation du CSE dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude
Incidence d’une prescription d’un nouvel arrêt de travail postérieur à la visite de reprise
Mention de l’impossibilité de reclassement sur la lettre de licenciement
Caractérisation de l’inaptitude professionnelle
Suspension du règlement intérieur et défaut de consultation du CSE
Altercation entre salariés et obligation de sécurité de résultat
Temps de trajet assimilé à du temps de travail effectif pour les salariés itinérants
La réalisation d’heures supplémentaires avec l’accord tacite de l’employeur doit donner lieu à rémunération
Contestation de l’avis d’inaptitude
Exercice de la liberté d’opinion du cadre qui désapprouve les valeurs de l’entreprise
Les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes
Harcèlement moral
Risque pénal
Conditions de la requête en nullité
Homicide involontaire : absence de responsabilité pénale de l'employeur
Risque environnemental
La simple négligence suffit à caractériser l’infraction en matière d’espèces protégées
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Édito
Au fur et à mesure de nos publications, nous vous comptons de plus en plus nombreux à nous lire et vous en remercions.
A l’occasion de la dernière de l’année 2022, initiant 2023, vous retrouverez notre veille jurisprudentielle, avec le commentaire portant sur la présomption de démission instaurée par la loi du 17 novembre 2022. Cette disposition s’inscrit dans un renforcement de l’accès à l’assurance chômage et une réduction de l’indemnisation afférente. L’enjeu financier pour le salarié étant important, le risque contentieux n’est pas à exclure et ce sera « naturellement », à l’encontre de l’entreprise que se portera l’aléa judiciaire.
Cette nouvelle publication a été possible avec la contribution des membres de mon équipe que je remercie à nouveau pour leur investissement et auprès desquels je renouvelle mes vœux pour cette nouvelle année.
Les résolutions pour 2023 sont nombreuses, mais parmi elles, demeure le maintien de notre exigence dans le cadre de la diffusion de ces publications.
Bonne lecture et belle année !
Valéry ABDOU
Abandon de poste : la nouvelle notion de présomption de démission définitivement adoptée
L’article 4 de la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail instaure ce qu’on l’on appellera désormais « la présomption de démission ».
Définitivement adoptée le 17 novembre 2022, la loi « marché du travail » crée un nouvel article L. 1237-1-1 dans le Code du travail et rédigé comme suit : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article ».
L’objectif de ce nouvel article est simple : limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisé par l’assurance chômage, pratique largement répandue et qui permettait au salarié de bénéficier des prestations versées par Pôle Emploi alors même qu’il n’avait pas été privé involontairement de son emploi, condition pourtant essentielle au bénéfice desdites prestations.
Dans tel cas, l’employeur pouvait une procédure de licenciement pour faute [grave] en raison de l’absence, injustifiée, du salarié à son poste de travail malgré une voire plusieurs mises en demeure de justifier de ses absences.
L’objectif est donc double : éviter que la pratique des absences injustifiées crée davantage de perturbations en entreprise et mettre fin à un système qui permettait au salarié licencié pour absences injustifiées de bénéficier des prestations de l’assurance chômage là où le salarié démissionnaire, lui, en était privé.
Compte tenu des difficultés que pourrait susciter la mise en place de cette nouvelle notion, plusieurs députés ont saisi le Conseil constitutionnel soutenant « qu’en assimilant l’abandon de poste à une démission, ces dispositions priveraient du bénéfice du régime d’assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté. Il en résulterait une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ».
Les députés reprochaient en outre à ces dispositions d’instituer une différence de traitement, au regard du droit à indemnisation au titre de l’assurance chômage, entre les salariés en situation d’abandon de poste selon que leur employeur procède au licenciement ou se prévaut de la présomption de démission qu’elles instaurent. Elles seraient ainsi selon eux contraires au principe d’égalité devant la loi.
Enfin, les députés considéraient qu’en application de l’article L. 5422-1 du code du travail, ces dispositions pouvaient ainsi avoir pour effet de priver le salarié concerné de son droit à l’allocation d’assurance des travailleurs privés d’emploi et qu’ainsi elles étaient susceptibles de porter atteinte au droit d’obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Aux termes de sa décision n°2022-844 DC du 15 décembre 2022, le Conseil Constitutionnel a considéré :
- En premier lieu : que dans la mesure où les dispositions contestées ne s’appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste, elles ne peuvent porter atteinte aux exigences constitutionnelles. Le Conseil a rappelé que l’abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail. Le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu’après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d’un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État (décret à paraître).
- En second lieu : la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud’hommes saisi d’une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Le Conseil Constitutionnel considère donc formellement que les nouvelles dispositions instaurées par l’article L. 1237-1-1 du Code du travail ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles, n’instituent par elles-mêmes aucune différence de traitement et ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi.
Ce texte ayant été considéré conforme à la Constitution, il fera l’objet d’une entrée en vigueur prochaine, par le biais de la publication d’un décret d’application (dont la date n’est pas encore connue). À ce jour, les contours de ce nouveau dispositif étant dessinés, il convient de se demander quelles sont les modalités de sa mise en œuvre mais également quelles sont les difficultés qui peuvent émerger.
Les modalités de mise en œuvre de la présomption de démission
Un abandon de poste volontaire
Il ressort du nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail que la présomption de démission ne pourra être appliquée qu’en cas d’abandon de poste volontaire. De fait, plusieurs motifs d’absence sont considérés comme justifiés ou légitimes (sans que cette liste ne soit exhaustive) : l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le fait pour un salarié de quitter son poste sans autorisation en raison de son état de santé afin de consulter un médecin.
Cela fait de la présomption de démission une présomption simple qui pourra être renversée par tout élément de preuve.
La procédure
Lorsque le salarié se trouve en situation d’absences injustifiées, l’employeur doit lui envoyer une lettre de mise en demeure (en LR/AR ou remise en mains propres contre décharge) en lui laissant un délai suffisant pour justifier de son absence. Il conviendra d’être attentif au délai minimum qui sera fixé par le décret d’application à venir.
Il est important de préciser que pendant toute la période d’absence injustifiée, le salarié ne pourra pas prétendre à sa rémunération.
Aux termes de ce courrier, il conviendra pour l’employeur de mentionner les conséquences de l’absence de justification dans le délai imparti, à savoir qu’il sera présumé démissionnaire.
À date aucune durée minimale d’absence n’est précisée, avant la mise en demeure. Il sera toutefois précisé que l’employeur devrait attendre un délai raisonnable afin de mettre en œuvre la procédure sous peine d’être considéré comme usant abusivement de cette procédure.
À l’expiration du délai indiqué dans la mise en demeure et en l’absence de justification apportée, le contrat sera considéré comme rompu. La date de rupture sera fixée au terme du délai qui aura été laissé au salarié pour justifier de son absence.
La procédure accélérée devant le Conseil de Prud’hommes
Le salarié qui n’a pas justifié de son absence dans le délai imparti et pour lequel l’employeur l’a considéré comme démissionnaire sera toujours en mesure de contester la rupture de son contrat directement devant le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes, sans passer par devant le Bureau de conciliation et d’orientation, à l’instar de la procédure en prise d’acte de la rupture.
Le juge prud’homal devra alors statuer au fond sur la demande du salarié dans un délai d’un mois. En pratique, tout comme en matière de prise d’acte de la rupture, le délai d’un mois ne sera pas tenable ne serait-ce qu’au regard des principes de procédure imposant à chaque partie un respect du principe du contradictoire.
Il s’agira alors pour le salarié de solliciter la requalification de la rupture afin que le juge considère la démission comme équivoque.
Dans ce cas, tout laisse à croire que la rupture produirait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si le salarié devait justifier de son absence en raison de faits qu’il reproche à son employeur, la rupture pourrait être requalifiée en prise d’acte de la rupture produisant alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ainsi, dans un contexte conflictuel entre l’employeur et le salarié, l’usage de cette nouvelle procédure pourrait engendrer un risque de contentieux important.
Les difficultés que pourraient causer cette nouvelle procédure
Plusieurs questions peuvent se poser concernant la mise en œuvre de cette procédure notamment d’un point de vue du risque encouru par l’employeur.
Se pose en effet la question de savoir si l’employeur encourt un risque lorsqu’il ne réagit pas à l’issue du délai. Autrement dit, après avoir mis en demeure le salarié de justifier de son absence, l’employeur est-il contraint d’user du dispositif de la présomption de démission ?
Antérieurement à ces dispositions et malgré une absence de justification, l’employeur restait libre de prendre l’initiative d’engager une procédure de licenciement pour faute. Ainsi dans certaines situations, l’employeur, conscient de l’objectif du salarié et sans nécessairement chercher à lui nuire mais par volonté de ne pas se voir contraindre de prendre une décision, pouvait « supporter » une certaine inertie et laisser la situation perdurée. Le salarié sans indemnité ni rémunération était contraint de trouver une autre alternative à la fin de son contrat.
L’on peut également se demander si l’employeur pourrait être en mesure de solliciter, devant le Conseil de Prud’hommes, soit en étant à l’origine d’une action soit dans le cadre d’une demande reconventionnelle, le règlement du préavis non réalisé et ainsi du préjudice subi du fait de ce départ anticipé, tout comme il est en mesure de le faire dans le cadre d’une demande au titre d’une prise d’acte de la rupture.
Enfin, l’employeur dispose-t-il toujours de la possibilité de procéder à un licenciement pour faute grave du fait des absences injustifiées du salarié ? En effet, cette procédure apparaît beaucoup plus sécurisée puisqu’elle se basait sur le fait que le salarié était absent sans avoir apporté le moindre élément de justification malgré l’obligation qui lui était faite.
La faute grave demeurait alors incontestable et le risque de contentieux était très faible.
La présomption de démission semble demeurer qu’une simple possibilité pour l’employeur qui pourrait user de la procédure de licenciement pour faute grave pour sécuriser la rupture du contrat de travail.
Risque hygiène sécurité
Autorité de chose jugée et relaxe au pénal
Malgré un jugement de relaxe de son employeur quant à la survenance d’un accident du travail, un salarié a initié une action en recherche de faute inexcusable.
Dans son arrêt d’appel, la Cour a retenu les éléments constitutifs de la faute inexcusable en distinguant les critères de la faute pénale et ceux de la faute civile.
Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur invoquait l’autorité de la chose jugée au pénal au motif d’une part que le juge répressif avait jugé que « l’enquête n’a pas permis d’établir d’une manière certaine la cause de l’ouverture de la vanne d’aspiration », que « restent des causes hypothétiques » et que « la possibilité d’une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n’a pu être identifiée même sur un mode improbable ». Pour la Cour d’appel, « quelle que soit la cause de l’ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat et que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n’était munie d’aucun dispositif de verrouillage en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables à la matière. »
Pour l’employeur, dès lors que, sans identification d’un fait générateur précis, aucune conscience du danger, lien entre un comportement fautif de l’employeur et la survenue de l’accident, ne pouvait être caractérisé.
Si l’article 4-1 du code de procédure pénale permet au juge civil, en l’absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l’innocence de celui à qui le fait est imputé.
Ainsi la 2ème chambre civile casse l’arrêt déféré et considère que « pour prononcer la relaxe de l’employeur des poursuites du chef de blessures involontaires, par un motif qui était le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale, après avoir relevé que les causes de l’ouverture de la vanne étaient indéterminées, a écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l’absence de double vanne ou d’un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Civ., 2ème , 1er décembre 2022, n°21-10773.
Prescription de l’action de l’employeur en inopposabilité de la décision de prise en charge
La prescription contentieuse opposable à l’employeur est de deux mois à compter de la réception de la décision de prise en charge. Toutefois, la détermination de la date de réception conditionne le point de départ de ce délai. Ainsi et si la CPAM n’est pas en mesure de rapporter la preuve non seulement de la date, mais également de la bonne réception de la notification, ce délai est inopposable.
Toutefois, l’action n’est pas imprescriptible.
En effet, il résulte des articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que le délai de la prescription de l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute court à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance effective de cette décision.
Par suite, viole ces textes la cour d’appel qui rejette la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dit recevable l’action de l’employeur, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait eu connaissance de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident de sa salariée, par l’information qu’il en avait reçue, plus de cinq années avant de former un recours contre cette décision, de sorte que son action était prescrite.
Civ., 2ème , 13 octobre 2022, n°21-13373.
Sur la détermination de la charge de la preuve de l'imputation de la maladie professionnelle en cas d'exposition du salarié au risque chez plusieurs employeurs
Selon les dispositions de l’arrêté interministériel du 16 octobre 1995, modifié, pris pour l’application de l’article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie.
Dans cette affaire, un employeur a obtenu devant la Cour d’appel d’Amiens l’inscription au compte spécial d’une pathologie relevant du tableau 30 des maladies professionnelles (amiante) aux motifs :
- que le salarié qui a travaillé précédemment dans un établissement inscrit dans la liste des établissements annexés à un arrêté ministériel fixant la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), est présumé, sauf preuve contraire, avoir été exposé habituellement à cette substance dans l’exercice de son activité,
- que son exposition chez cet employeur est établie par ses propres déclarations et par la présomption d’exposition à l’amiante,
- que la CARSAT reconnait expressément l’exposition du salarié au risque chez son dernier employeur et qu’il n’est pas possible de déterminer dans laquelle des deux entreprises l’exposition au risque a provoqué la maladie. Aussi, devant la Cour d’appel d’Amiens, la CARSAT contestait seulement que l’inscription d’un employeur sur la liste de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante établisse l’exposition à cette substance.
Sur pourvoi de la Carsat, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens en considérant qu’il revient au dernier employeur qui conteste l’imputation du sinistre à son compte de démontrer que l’affection de son salarié est liée aux conditions de travail de celui-ci au sein de l’entreprise précédente. Pour cela, la Haute juridiction énonce que « la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire ».
Civ., 2ème, 6 janvier 2022, n°20-13690.
Sur l’imputation au compte spécial des dépenses relatives à une maladie professionnelle lorsqu’elle a été constatée dans un établissement dont l’activité n’a pas exposé le salarié au risque
Dans deux affaires, l’employeur, considérant que le salarié n’avait pas été exposé au risque pathogène en son sein et que la maladie ne pouvait donc résulter que d’une exposition au risque chez les précédents employeurs, sollicitait le retrait ce cette pathologie à son compte employeur et donc son imputation au compte spécial.
Cette demande était formulée sur le fondement de l’article 2 alinéa 3 de l’arrêté du 16 octobre 1995 prévoyant que sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à « la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l’activité n’expose pas au risque », mais qui « a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d’une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale ».
La Cour d’appel d’Amiens a rejeté ces demandes au motif, d’une part, que la société ne justifiait pas avoir contesté la décision de la Cpam de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale si bien que le salarié était présumé avoir été exposé au risque chez elle et, d’autre part, que la société ne démontrait pas que son activité n’avait pas exposé le salarié au risque du tableau.
La Cour de cassation a cassé les deux arrêts de la Cour d’appel d’Amiens, considérant qu’il appartient à la Carsat d’établir la preuve des conditions d’exposition chez un employeur à qui elle a imputé les frais d’une maladie professionnelle.
Aussi, lorsque le salarié a connu, au cours de son activité professionnelle une succession d’employeurs, le dernier employeur sur qui pèse la présomption (puisque la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur) peut contester l’imputabilité des conséquences financières de la maladie professionnelle sur son compte employeur, lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service.
Dans ce cas, il revient à la Carsat de prouver le contraire, autrement dit, de démontrer que le salarié a bien été exposé chez le dernier employeur.
Civ., 2ème , 1er décembre 2022, n° 21-11252 et 20-22760.
Sur l’absence d’action récursoire de la caisse primaire en matière de faute inexcusable lorsque le jugement ne s’est pas prononcé sur ce point
Dans cette affaire, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a reconnu la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de la maladie professionnelle et du décès d’un de ses salariés, a ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant et a fixé les préjudices personnels subis par la victime de son vivant ainsi que les préjudices moraux de ses ayants droit.
Toutefois, le jugement ne s’est pas prononcé sur l’action récursoire de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente.
L’employeur ayant refusé de rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie le capital représentatif de la majoration de la rente versée au conjoint survivant, cet organisme a fait pratiquer une saisie-attribution à son encontre.
L’employeur a saisi d’un recours un juge de l’exécution et la Cour d’appel de Douai a confirmé la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l’encontre de l’employeur.
La caisse primaire a formé un pourvoi.
La Cour de cassation considère que « ne constitue pas, au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l’organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l’employeur sans se prononcer sur l’action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d’assurance maladie d’exercer à son rencontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu’ elle a versé à la victime ».
Aussi, en matière de faute inexcusable, la caisse primaire ne peut disposer de son action récursoire en remboursement des sommes dont elle a fait l’avance auprès de la victime (en l’espèce, en ce qui concerne la majoration de rente), contre l’employeur fautif, à partir du moment où la juridiction, dans les dispositifs de sa décision, ne le prévoit pas.
Civ., 2ème, 13 octobre 2022, n°21-15035.
Une première décision de refus de prise en charge d'une pathologie au titre d'un tableau de maladies professionnelles ne peut faire obstacle à l'opposabilité d'une seconde décision de la caisse intervenue au titre d’une maladie hors tableau ; même s’il s’agit de la même pathologie
Dans cette affaire, une salariée a formulé une demande de prise en charge d’une affection au titre du tableau 25 A3 (sclérodermie systémique) ; la caisse primaire a refusé la prise en charge.
Un an plus tard, la salariée a déclaré la même pathologie auprès de la caisse primaire. La caisse primaire ayant considéré que la pathologie déclarée n’était pas inscrite dans un tableau des maladies professionnelles et que le taux d’incapacité permanente prévisible était au moins de 25 %, la caisse a transmis le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le CRRMP). Le Comité a rendu un avis favorable et la caisse primaire a pris en charge la maladie au titre de la législation professionnelle.
L’employeur, dans ses rapports avec la caisse primaire, a contesté cette décision en saisissant les juridictions d’un recours en inopposabilité, en fondant sa demande sur l’autorité de chose décidée attachée à la première décision de refus.
La Cour d’appel d’Orléans a considéré que la première décision de refus de prise en charge, même devenue définitive à l’égard de l’employeur, ne faisait pas obstacle à l’opposabilité à celui-ci de la seconde décision de la caisse.
L’employeur forme un pourvoi, rejeté par la Cour de cassation.
La Haute juridiction considère en effet que sur le fondement des articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, (ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009) une première décision de refus de prise en charge d’une pathologie au titre d’un tableau de maladies professionnelles, même devenue définitive à l’égard de l’employeur, ne peut faire obstacle à l’opposabilité à celui-ci d’une seconde décision de la caisse intervenue au vu d’une nouvelle déclaration de maladie professionnelle instruite selon les règles applicables en matière de maladie hors tableau.
Civ., 2ème, 13 octobre 2022, pourvoi n° 21-10253.
Risque contentieux social
Consultation du CSE et impossibilité de reclassement
Dans le cadre d’un avis d’inaptitude, le médecin du travail avait précisé que « l’état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Sur la base de cet avis et sans consulter l’instance représentative, l’employeur procédait au licenciement du collaborateur.
Ce dernier a initié un contentieux en contestation de la procédure et notamment sur l’absence de consultation du CSE.
La Cour d’appel devait considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l’employeur de toute recherche de reclassement ».
Saisie du pourvoir de l’employeur, la chambre sociale casse l’arrêt déféré et rappelle que selon l’article L. 1226-2-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Il s’ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter l’instance représentative. (Chambre sociale 16 novembre 2022 n°21-17255). La solution avait déjà été donnée dans le cadre d’une inaptitude d’origine professionnelle (chambre sociale 8 juin 2022 n°20-22500).
Il convient d’analyser cette décision avec l’arrêt du 14 septembre 2022, selon lequel l’impossibilité de procéder au reclassement du salarié avait été acté par le médecin du travail non pas dans l’avis d’inaptitude, mais dans un courrier distinct. Dans cette hypothèse la Chambre sociale considère que seules doivent être prises en compte les mentions de l’avis d’inaptitude et non les éventuels courriers transmis par le médecin du travail. Ainsi et considérant qu’aux termes de ce dernier l’impossibilité de reclassement n’était pas actée, il appartenait à l’employeur de consulter l’instance et qu’à défaut d’une telle procédure, le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse.
Soc., 14 septembre 2022, n°21-11219.
Validité du PV de carence et consultation du CSE dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude
Un salarié faisait grief de ne pas avoir dressé un PV de carence dans le délai imparti par la Convention collective pour l’organisation des élections professionnelles et que cette omission rendait inopposable à son égard l’absence d’instance, actant de la faute de l’employeur dans le cadre de la consultation de celle-ci quant à une procédure de reclassement.
Dans cette situation le salarié ne contestait ni la cause de l’inaptitude, ni l’exhaustivité des recherches, mais bien la justification formelle de la carence du CSE.
Pour la Cour de cassation, la convention collective ne pouvait déroger aux dispositions de l’article L.2314-26 lequel fixe à quatre année la durée d’un mandat représentatif, de sorte que le procès-verbal de carence établi dans cette affaire étant antérieur à cette durée, l’employeur était en mesure de justifier de l’absence de CSE.
La vigilance des employeurs est donc attirée d’une part sur l’établissement du procès-verbal de carence, mais également son éventuel renouvellement à la fin de la durée d’un mandat représentatif.
Soc., 23 novembre 2022, n°21-18930.
Incidence d’une prescription d’un nouvel arrêt de travail postérieur à la visite de reprise
A l’issue d’une période d’arrêt, le salarié a été déclaré inapte au cours d’une première visite. Cet examen a donné lieu à deux autres visites corroborant l’inaptitude et à la suite desquels, le salarié s’est vu prescrire un nouvel arrêt de travail.
Du fait de l’inaptitude, l’employeur procédait au licenciement du salarié. Ce dernier a engagé un recours considérant que la suspension de son contrat résultant de la dernière prescription d’arrêt, était exclusive de la possibilité pour l’employeur d’initier la procédure de rupture.
La chambre sociale rappelle que la délivrance d’un nouvel arrêt de travail ne peut avoir pour conséquence d’ouvrir une nouvelle période de suspension.
Soc., 16 novembre 2022, n°21-18132.
Mention de l’impossibilité de reclassement sur la lettre de licenciement
Un salarié licencié pour inaptitude a contesté la rupture pour « motivation insuffisante », considérant que l’impossibilité de reclassement n’était pas précisée. La Cour d’appel devait lui donner raison et considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Saisie du pourvoi de l’employeur, la Chambre sociale a confirmé le jugement déféré et ce, peu importe que le salarié ait fait savoir, à plusieurs reprises, qu’il n’accepterait aucun poste au sein de l’association. Ainsi la réponse négative du salarié quant aux propositions de reclassement ne peut dispenser l’employeur de préciser dans la lettre de licenciement, le cas échéant en la caractérisant, l’impossibilité de reclassement.
Soc., 14 septembre 2022 n°21-14719.
Caractérisation de l’inaptitude professionnelle
Un salarié a engagé un contentieux au motif qu’il considérait son inaptitude d’origine professionnelle et à ce titre sollicitait les indemnités de rupture afférentes. Ne justifiant d’aucune prise ne charge du caractère professionnel de sa pathologie, les juges du fond ont retenu les pièces médicales produites par le salarié pour établir un lien, même partiel, entre la dégradation de son état de santé et le constat de son inaptitude.
En l’espèce, il s’agissait d’une problématique de harcèlement moral, à l’origine de la prescription d’arrêt donnant lieu à inaptitude.
La chambre sociale casse l’arrêt déféré par l’employeur au motif qu’il appartient aux juridictions du fond de constater que l’inaptitude a au moins partiellement pour origine un accident de travail ou une maladie professionnelle, et que l’employeur en avait connaissance à date du licenciement. A défaut d’une recherche quant à la connaissance par l’employeur de ces informations, l’arrêt est cassé et l’inaptitude considérée comme étant de droit commun.
Soc., 14 septembre 2022, n°21-11278.
Suspension du règlement intérieur et défaut de consultation du CSE
Il résulte des articles L. 1321-4 et L. 2132-3 du code du travail qu’un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.
En revanche, un syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel.
Soc., 21 septembre 2022, n°21-10718.
Altercation entre salariés et obligation de sécurité de résultat
En vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Dans cette affaire, deux salariées d’une boutique ont une dispute. Elles sollicitent l’employeur par téléphone qui dépêche une vendeuse d’une autre boutique à proximité. La dispute cesse à son arrivée. L’altercation reprend ensuite par des insultes de la part de l’une et une violente réplique physique de la part de l’autre.
La salariée ayant insulté sa collègue est licenciée pour faute grave. Cette dernière conteste la rupture au motif que l’employeur aurait manqué à son obligation de sécurité à son égard.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, estime que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité puisque :
- l’employeur n’était pas informé d’une particulière inimitié préexistante entre les deux salariées ;
- et qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir une nouvelle altercation avant leur mise en échec par le seul comportement de l’intéressée.
Soc., 30 novembre 2022, n°21-17184.
Temps de trajet assimilé à du temps de travail effectif pour les salariés itinérants
La Cour de cassation s’est alignée sur la jurisprudence de la CJCE, laquelle considère que l’interprétation de la directive 2003/88 mène à considérer que dans la mesure où les salariés itinérants n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du temps de travail le temps de déplacement consacré aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur (CJUE, 3e ch., 10 sept. 2015, aff. C-266/14).
En l’espèce, l’employeur a été condamné à un rappel de salaire et règlement d’heures supplémentaires, dès lors que le salarié « devait intervenir auprès de clients répartis dans une zone très étendue, ce qui le conduisait parfois, à la fin d’une journée, à réserver une chambre d’hôtel afin de pourvoir reprendre le lendemain le cours des visites programmées ». La Cour de cassation relève que l’analyse de la cour d’appel « a ainsi fait ressortir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».
Soc., 23 novembre 2022, n°20-21924.
La réalisation d’heures supplémentaires avec l’accord tacite de l’employeur doit donner lieu à rémunération
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, et notamment d’heures supplémentaires, l’article L. 3171-4 du code du travail précise que la charge de la preuve est partagée entre l’employeur et le salarié.
Saisie du pourvoi du salarié, la Cour de cassation casse l’arrêt déféré, considérant que « les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre. Elle rappelle qu’en rejetant de cette manière les éléments qu’il a apportés, les juges du fond ont fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié ».
S’agissant du paiement des heures supplémentaires, un salarié ne peut y prétendre que si les heures ont été demandées par l’employeur, ou, ajoute la Cour de cassation, si elles ont été effectuées avec son accord même s’il est implicite (Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 06-43.919), ou rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. soc., 14 nov. 2018, n° 17-20.659).
Pour la cour de cassation, l’absence d’autorisation préalable « n’excluait pas en soi un accord tacite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires ». L’affaire devra donc être rejugée.
Soc., 28 septembre 2022, n°21-13496.
Contestation de l’avis d’inaptitude
En application des articles L4624-7 et R4624-25, l’employeur dispose d’un délai de 15 jours pour contester un avis d’inaptitude.
En, l’espèce, l’employeur contestait l’avis au motif que la procédure de constat d’inaptitude suivie par le médecin du travail et le médecin inspecteur régional du travail n’avait pas été respectée car les avis d’inaptitude n’ont été précédés d’aucune étude de poste, ni d’aucune étude des conditions de travail au sein de l’établissement.
La juridiction confirmant l’inaptitude rendue, l’employeur a formé un pourvoi. Dans son arrêt, la Haute juridiction a constaté que la Cour d’appel avait relevé que l’inaptitude de l’intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d’une dégradation des relations entre les parties pendant l’arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées.
Elle pouvait, par conséquent, en déduire que l’absence d’études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l’arrêt de travail. Dès lors pour la Cour de cassation, les juges du fond pouvaient donc décider que le salarié était inapte à son poste ainsi qu’à tout autre poste au sein de l’entreprise, déboutant l’employeur de son pourvoi.
Soc., 7 décembre 2022, n°21-17927 et n°21-23662.
Exercice de la liberté d’opinion du cadre qui désapprouve les valeurs de l’entreprise
Dans cette affaire, un salarié recruté en sa qualité de consultant sénior puis promu directeur a été licencié pour insuffisance professionnelle. Il lui était notamment reproché son refus d’accepter la politique de l’entreprise et de se conformer aux modalités de fonctionnement ainsi que de partager les valeurs « fun and pro » de l’entreprise. La direction reprochait alors au salarié « sa rigidité, son manque d’écoute, son ton parfois cassant et démotivant vis-à-vis de ses subordonnés et son impossibilité d’accepter le point de vue des autres ».
Le salarié a contesté son licenciement, estimant que celui-ci était nul.
Pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement, la Cour d’Appel de Paris a considéré que le licenciement était justifié dès lors que le salarié refusait d’adhérer à la politique de l’entreprise et notamment aux valeurs de cette dernière. En l’espèce, le « fun and pro » en vigueur dans l’entreprise se traduisait aussi par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive de tous les participants, encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d’alcool, la culture de l’apéro étant notamment citée dans la restitution de l’atelier culture Cubik 2011, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages.
La Cour d’Appel précise alors, pour écarter la nullité du licenciement, que les reproches au salarié constituent des critiques sur son comportement et ne sont pas des remises en cause de ses opinions personnelles.
La Cour de Cassation, casse l’arrêt et affirme quant à elle, que le refus du salarié d’adhérer à ces « valeurs » relevait de sa liberté d’opinion et d’expression et ne constitue pas un abus de sa liberté d’expression de sorte que son licenciement pour ce motif doit être déclaré nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale.
Soc., 9 novembre 2022, n°20-22500.
Les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes
Dans cette affaire, le salarié s’est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l’embarquement lequel lui a été refusé par l’employeur au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Le salarié a donc été contraint de porter une perruque pour exercer ses fonctions.
Dans un premier temps, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied sans solde de 5 jours pour présentation non conforme aux règles du port de l’uniforme. Déclaré inapte à exercer ses fonctions dans un second temps, le salarié a finalement été licencié en février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.
Le salarié estime avoir été victime de discrimination, harcèlement moral et déloyauté. Le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’Appel ont rejeté ses demandes.
Pour débouter le salarié de ses demandes, la Cour d’Appel de Paris, a repris les dispositions du manuel de port de l’uniforme des personnels masculins lequel mentionne que « les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l’oreille. Accessoires divers : non autorisés », retient que ce manuel n’instaure aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l’origine des salariés et qu’il est reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux ».
Pour la Cour d’Appel, si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel navigant féminin, l’existence de cette différence d’apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination.
L’arrêt énonce encore que la présentation du personnel navigant commercial fait partie intégrante de l’image de marque de la compagnie, que le salarié est en contact avec la clientèle d’une grande compagnie de transport aérien qui comme toutes les autres compagnies aériennes impose le port de l’uniforme et une certaine image de marque immédiatement reconnaissable, qu’en sa qualité de steward, il joue un rôle commercial dans son contact avec la clientèle et représente la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés.
La Cour de Cassation casse l’arrêt et retient alors que la perception sociale de l’apparence physique des genres masculins et féminins ainsi que l’image de marque de la compagnie aérienne ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes et caractérisent une discrimination sur l’apparence physique en lien avec le sexe dès lors que la coiffure n’est pas une partie de l’uniforme.
Soc., 23 novembre 2022, n°21-14060.
Harcèlement moral
Placée en arrêt de travail plus de 9 mois, une salariée déléguée du personnel a été déclarée inapte par le médecin du travail.
Après autorisation administrative, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Invoquant un harcèlement moral et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, une salariée déléguée du personnel a saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire du contrat de travail.
La cour précise que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
Ayant constaté que la directrice du magasin n’a été informée par la salariée des agissements de sa supérieure hiérarchique que le 9 juin 2017, que le même jour, une réunion a eu lieu entre la directrice, la salariée et un délégué du personnel pour évoquer les faits dénoncés par la salariée et lui proposer de changer de secteur, que le 14 juin, la salariée s’est entretenue avec le responsable des ressources humaines et que les 19 et 20 juin, une enquête a été menée par des représentants du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »
Respecte son obligation de sécurité, l’employeur qui dès la connaissance des faits de harcèlement intervient en organisant une réunion, une enquête du CHSCT et en proposant un reclassement à la salariée.
Soc., 7 décembre 2022, n°21-18114.
Risque pénal
Conditions de la requête en nullité
Dans le cadre des investigations qui leur sont confiées, les enquêteurs peuvent recueillir et exploiter des données de trafic et de localisation conservées par des opérateurs de téléphonie, à condition de respecter les exigences européennes en matière de conservation des données de connexion.
À défaut, les personnes mises en cause peuvent demander la nullité de ces opérations.
Elles doivent toutefois indiquer de manière précise chacun des actes dont elles sollicitent l’annulation. Si tel n’est pas le cas, elles s’exposent au rejet de leur demande.
Crim., 22 novembre 2022, n°22-83221.
Homicide involontaire : absence de responsabilité pénale de l'employeur
Lors d’un vol d’essai effectué dans les gorges du Verdon, un hélicoptère a percuté un câble électrique et s’est écrasé, entrainant la mort du pilote et des cinq passagers, tous salariés de la même société.
Une action judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée du chef d’homicide involontaire.
Apres examen de l’ensemble des moyens, la cour confirme l’arrêt d’appel qui constate l’absence de charges suffisantes à l’encontre de quiconque par des motifs relevant de l’appréciation des juges du fond, relève qu’aucune faute dans l’organisation ou la supervision du vol et la formation de l’équipage ou le balisage de l’obstacle n’a contribué à la réalisation de l’accident.
Les fautes commises par le pilote ne sont pas de nature à engager la responsabilité pénale de son employeur.
Crim., 6 décembre 2022, n°21-87526.
Risque environnemental
La simple négligence suffit à caractériser l’infraction en matière d’espèces protégées
Pour la réalisation d’un projet d’intérêt public majeur, comme un gazoduc, l’administration peut autoriser la destruction d’habitats d’espèces protégées et prescrire des mesures de remise en état, par exemple celle de reboiser un territoire.
Porter atteinte à la conservation de ces espèces et de leurs habitats en violation de ces prescriptions constitue une infraction.
L’abstention de satisfaire aux prescriptions, même par simple négligence, suffit pour en être déclaré coupable : il n’est pas nécessaire d’avoir eu l’intention de porter atteinte aux dites espèces.
Crim., 18 octobre 2022, n°21-86965.