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Édito
Contestation de la durée des arrêts de travail
Risque hygiène sécurité
Nouveauté concernant le registre des accidents bénins
Respect du principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction
Sur l’absence d’opposabilité à la caisse des délais dans le cadre de la procédure amiable devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA)
Illustration de l’étendue de la présomption d’imputabilité
Sur l’étendue de la présomption d’imputabilité
Contrôle URSSAF : la lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents consultés
Risque contentieux social
Mise à pied conservatoire : nécessité de mettre en œuvre concomitamment la procédure de licenciement.
Non-respect du délai de carence entre deux CDD et délai de prescription.
Recours du CSE à l’expertise dans le cadre d’un projet important
L’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions conclues avec d’autres salariés
Respect des délais de prescription en matière disciplinaire
Conditions de mise en œuvre d’une expertise dite « risque grave » par le CSE
Contestation d’un avis d’inaptitude : point de départ du délai de 15 jours
Risque pénal
Condamnation du géant suédois pour avoir mis en place un système de surveillance généralisé.
Défense pénale : sur la notification du droit de se taire au prévenu
Risque environnemental
Contrôle du respect de la règlementation des ICPE par l’usage d’un drone.
L'irrégularité de l'avis entâche d'illégalité la décision
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Édito
Il y a une fin à tout… Le confinement, les restrictions sanitaires, les privations culturelles n’ont heureusement pas échappé à cette règle, nous permettant d’augurer, si ce n’est d’un avenir
meilleur ou d’un « jour d’après », d’un retour à ce que nous avions connu quant à la vie sociale.
Au moment de la publication de notre newsletter, l’obligation de vaccination n’est pas encore définie même si elle devient médiatiquement présente. S’il devait y avoir une légifération en
ce sens, nous présageons de difficultés d’application et/ou de conséquences judiciaires en cas d’effets pathologiques survenus à la suite d’une injection rendue obligatoire par le fait du travail. Le délai d’incubation de la covid-19 étant plus court que les décisions des autorités, nous aurons certainement l’occasion de publier un article en ce sens.
Nous avons consacré notre Une aux recours en contestation de l’imputabilité professionnelle de la durée des prescriptions d’arrêt faisant suite à un AT/MP. Nourrissant un contentieux
important, les juridictions du fond œuvrent, dans leur ressort géographique, pour définir les contours de la charge probatoire opposable aux employeurs. La disparité des décisions, variant selon la localisation des Cours, nous a contraints à limiter notre analyse à deux arrêts de la Cour de Grenoble, du fait de leur proximité avec la date de notre publication.
Vous retrouverez notre veille jurisprudentielle sur les domaines d’intervention du cabinet.
S’il y a une fin à tout, il y a aussi un début à toute chose…les vacances, les voyages, les soirées….
Mon équipe et moi-même profitons donc de cette occasion pour vous souhaiter de belles
vacances estivales, loin des contraintes et proches de ceux que nous affectionnons.
Contestation de la durée des arrêts de travail
Les arrêts de travail prescrits à la suite d’un accident du travail ou une maladie professionnelle peuvent avoir une incidence financière importante sur la tarification des entreprises. En effet, chaque arrêt de travail de plus de 150 jours est imputé dans la catégorie IT6 (article D.242-6-6 du code de la sécurité sociale). L’incidence du coût forfaitaire sera d’autant plus importante si l’effectif de l’entreprise dépasse les 150 salariés, entrainant l’assujettissement à une tarification réelle. Ainsi et selon le barème des coûts moyens pour l’année 2021, ces sinistres représentent un coût substantiel allant de 29.274€ à 36.060€, selon le secteur d’activité de l’employeur, montant soumis ensuite à cotisations supplémentaires par la CARSAT.
Au-delà de l’impératif de prévention participant à limiter la sinistralité, il appartient aux entreprises de suivre l’évolution du nombre de jours d’arrêt prescrits afin d’étudier l’opportunité financière de contester l’imputabilité professionnelle de la durée des arrêts de travail, avec pour objectif, la réduction de leur taux de cotisation.
La tâche n’est pas aisée, la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail bénéficie au salarié à partir de la constatation médicale, voire antérieurement au certificat établissant un lien de causalité entre l’activité et la maladie professionnelle puisque la CPAM peut intégrer des prescriptions initialement faites au titre d’un arrêt maladie, et s’étend jusqu’à la guérison complète ou à la consolidation de l’état de la victime et à l’attribution d’un taux d’incapacité.
S’agissant d’une appréciation factuelle, et donc non soumise à l’appréciation de la Cour de cassation, nous avons choisi d’analyser deux décisions du 15 juin 2021, rendues par la cour d’appel de Grenoble qui s’est prononcée sur les demandes d’expertise dans le cadre de recours en contestation de l’imputabilité professionnelle de la durée des arrêts.
Dans la première espèce (affaire n° 18/04927), il s’agissait d’un salarié victime d’un accident du travail ayant entrainé un traumatisme des deux premiers orteils du pied gauche. A la suite de cet accident, la victime a été placée en arrêt de travail du 25 juin 2015 au 30 avril 2016 soit pendant près de 10 mois. Pour faire droit à la demande de l’employeur, la Cour d’appel a relevé notamment une discontinuité dans les prescriptions des arrêts.
Dans la seconde espèce (affaire n° 18/05024), il s’agissait d’un salarié dont la maladie professionnelle avait été prise en charge au titre d’un canal carpien bilatéral. Son employeur contestait l’imputabilité professionnelle de la durée des arrêts de plus de 11 mois. Pour débouter l’employeur, les juges ont estimé que la Caisse démontrait la continuité des arrêts avec les symptômes décrits au certificat médical initial et ont considéré que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’une cause totalement étrangère.
Ces deux décisions nous permettent de revenir sur la nouvelle procédure introduisant un recours préalable obligatoire et sur les contraintes probatoires mises à la charge de l’employeur en matière de contestation de l’imputabilité professionnelle de la durée des arrêts.
I/ Phase précontentieuse : saisine obligatoire de la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA)
Jusqu’au 31 août 2020 et en phase amiable, seule la commission de recours amiable (CRA) était initialement compétente. A ce sujet, nous rappellerons que la loi de novembre 2016 portant nouvelle organisation du contentieux de sécurité sociale, n’était pas venue modifier le champ de compétence des CRA dans le cadre des réclamations relevant de la compétence des juridictions du contentieux général formées à l’encontre des décisions prises par les organismes de sécurité sociale. Ces commissions étaient donc légitimes à statuer sur une problématique certes médicale, mais dépendant in fine de la compétence de l’ancien Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), nouvellement pôle social du Tribunal judiciaire.
Par décret du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale, le pouvoir exécutif a entendu réorganiser les compétences et centraliser les problématiques médicales, en phase précontentieuse, auprès de la CMRA.
En effet, la rédaction initiale des articles L.142-1 et R142-8 du code de la sécurité sociale ne faisait pas de distinction quant à l’objet du recours initié par l’employeur en demande d’expertise médicale.
En application de l’article 9 du décret susvisé, la modification du titre de ces articles laisse peu d’ambiguïté sur la compétence de la CMRA en phase amiable. Ainsi et à compter du 1er septembre 2020, les employeurs ont été contraints de saisir ladite instance avant toute action judiciaire.
Compte tenu de la compétence de la CMRA, et du fait du secret médical restreignant les possibilités de communication entre le médecin désigné et l’employeur ou son conseil, ledit médecin aura la charge de recevoir et d’envoyer les documents dans un délai de vingt jours à compter de leur réception.
La difficulté résidera pour les médecins désignés de respecter l’échéance impartie d’une part et de s’assurer des modalités administratives d’envoi d’autre part, puisque celui-ci doit être fait avec date de réception certaine.
A ce jour, le positionnement des CMRA semble en grande partie identique à celui des CRA, rejetant quasi-systématiquement les recours en expertise des employeurs, contraignant ses derniers à saisir le tribunal judiciaire. Pour autant, et bien qu’il soit encore un peu tôt pour apprécier des potentielles évolutions induites par ce changement procédural, nous pouvons nous féliciter de décisions favorables obtenues auprès de certaines commissions. Récemment, sur la base de notre argumentation et du rapport établi par notre médecin conseil et adressé à une CMRA nous avons pu obtenir la réduction de nombre de jours des arrêts de travail imputables à l’employeur de 659 jours à 134 jours.
Dans un souci non seulement de désengorgement des juridictions, mais aussi d’efficience du recours de l’employeur, nous considérons qu’une suite favorable donnée par les CMRA aux requêtes des employeurs présentées sur cette problématique, permettrait de rendre pertinente la réforme de 2019. En effet, et si les CMRA devaient adopter la même posture de refus systématique, le changement de compétence d’attribution n’aurait été que de pure forme. A l’inverse et si au bénéfice d’une étude par la CMRA des recours, l’employeur dispose d’une réelle analyse, le droit à une contestation lui serait reconnu. Dans ce cadre et conformément au principe du contradictoire, en cas de rapport défavorable, la poursuite du recours en phase judiciaire nous semblerait vaine, le dossier ne pouvant connaitre d’autre issue qu’une confirmation du rejet initial, en l’absence de tout élément nouveau.
A contrario et tant que les CMRA ne seront pas des instances indépendantes des CPAM, nous pourrions craindre qu’elles rejettent de façon quasi-systématique les demandes des employeurs sans procéder à une analyse objective des éléments présentés. Ainsi, la phase amiable serait vide de sens, et se trouverait réduite à une simple formalité administrative, préalable obligatoire au recours contentieux.
II / Phase contentieuse : nécessité de démontrer l’existence d’un litige d’ordre médical
En l’absence de réponse de la CMRA ou en cas de rejet de sa demande, il appartiendra à l’employeur, de renverser la présomption d’imputabilité en rapportant la preuve de l’existence d’un litige d’ordre médical. Cette preuve est d’autant plus difficile à rapporter que l’employer n’a pas accès à l’ensemble des pièces médicales couvertes par le secret. En effet, si une demande de communication peut être envisagée, il sera rappelé que seuls les certificats de prolongation sont transmis au médecin désigné par l’employeur. Or dans certains dossiers cette transmission s’avère insuffisante pour s’assurer d’un recours effectif.
Sur les espèces présentées, il est nécessaire de reprendre les éléments relevés par les juges de la Cour d’appel de Grenoble, pour déterminer l’étendue de la charge de la preuve incombant à l’employeur.
Dans les deux décisions, les juges rappellent qu’il appartient à l’employeur pour renverser la présomption, de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail, notamment celle d’un état pathologique antérieur distinct, évoluant pour son propre compte. Les juridictions du fond examinent également d’une part la continuité des soins et des arrêts de travail et, d’autre part, les éléments versés au débat par l’employeur afin de déterminer s’ils permettent de caractériser un litige d’ordre médical justifiant la mise en œuvre d’une mesure d’expertise.
Il nous est nécessaire de reprendre les conditions posées, dans l’ordonnancement présenté, considérant qu’elles devront être cumulatives.
S’agissant de la preuve d’un état pathologique antérieur : l’employeur n’ayant pas accès aux documents protégés par le secret médical, il appartient au médecin désigné par ses soins d’examiner les seuls éléments transmis par la Caisse pour identifier l’existence d’une affection ou d’une lésion résultant d’un fait distinct du sinistre professionnel. Sur ce point et comme évoqué précédemment, la pratique se heurte à la communication des seuls certificats de prolongation, souvent illisibles à supposer qu’ils soient complétés. Aucun compte rendu opératoire ou de suivi ne sera transmis au médecin désigné par l’employeur.
Concernant la continuité des arrêts, la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 février 2018 (n° 17-11.231) avait facilité l’administration de la preuve par l’employeur en estimant qu’il appartenait à la caisse, laquelle dispose de l’ensemble des éléments, de rapporter la preuve de la continuité des arrêts. A défaut, il incombait aux juges du fond d’apprécier « si la caisse n’établissait pas, par les pièces qu’elle produisait, si les soins et arrêts de travail n’étaient pas en relation de causalité avec la maladie professionnelle ».
Dans plusieurs décisions postérieures, la Haute juridiction a estimé que la présomption n’était pas renversée dès lors que la caisse était en mesure de communiquer le certificat médical initial de sorte que les arrêts et soins rattachés étaient nécessairement présumés être en lien avec le sinistre initial, sans que la Caisse doive produire d’autres certificats médicaux, charge à l’employeur de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.
Concernant les autres éléments susceptibles d’être apportés par l’employeur, les stratégies diffèrent mais elles ont en commun de se confronter au secret médical. Ainsi, lorsque le rapport médical produit par l’employeur est établi en termes généraux, le recours serait vain, dans la mesure où l’absence de personnalisation de la contestation de l’imputabilité des prescriptions d’arrêt, par la production du rapport du Docteur VALETTE, ne permet pas d’établir une contestation d’ordre médical. Reste la possibilité, par le biais de la contestation du taux d’incapacité de disposer de certains éléments propres certes à la consolidation de l’état de santé du salarié mais qui peuvent être informatifs sur un état séquellaire en lien avec une pathologie distincte du sinistre en cause.
Nous ne pouvons que regretter que certaines juridictions, y compris d’appel, apprécient distinctement l’intérêt de l’employeur à engager un tel recours, rejetant systématiquement les demandes, à l’instar des CRA dans l’ancienne procédure. S’il est acquis qu’il s’agit d’un nouveau contentieux de masse, participant à la surcharge des juridictions, cette donnée devrait également permettre de mesurer l’incidence financière de l’imputabilité professionnelle de la durée des arrêts et les résultats positifs obtenus quant à la réduction des jours d’arrêts imputables, démontrer le bienfondé des demandes des employeurs.
Nous pensons qu’un examen impartial par les CMRA permettrait de concilier tant les intérêts de l’employeur que la surcharge de l’institution judiciaire, celle-ci conservant en tant que de besoin, la possibilité de sanctionner des employeurs souhaitant contester une décision de rejet de la CMRA, sans élément complémentaire.
Risque hygiène sécurité
Nouveauté concernant le registre des accidents bénins
Le décret 2021-526 du 29 avril 2021 autorise les employeurs à mettre en place un registre des accidents de travail bénins sans autorisation préalable de la CARSAT.
Auparavant, les employeurs devaient solliciter l’autorisation de la CARSAT. A compter du 1er mai, une simple information suffit.
Certaines conditions sont maintenues pour pouvoir tenir ce registre s’agissant notamment de la présence permanente d’un personnel médical ou paramédical au sein de l’entreprise, de l’existence d’un poste de secours, de l’obligation de mettre en place un CSE dans les entreprises d’au moins 11 salariés.
Le décret précise également que le registre est désormais la propriété de l’employeur et non plus de la CARSAT. A ce titre, un registre doit être formalisé pour chaque année civile et doit être conservé 5 ans. L’employeur est désormais dispensé d’envoyer à la CARSAT le registre à chaque fin d’année.
Le registre doit être tenu à la disposition des agents de contrôle de la CARSAT et de l’Inspection du travail.
Respect du principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction
Dans cette affaire, un employeur contestait la décision de prise en charge d’un accident du travail estimant que dans le cadre de l’instruction la CPAM avait manqué au principe du contradictoire en adressant à la victime un questionnaire et en procédant par enquête téléphonique auprès de l’employeur.
Pour débouter l’employeur, les juges retiennent selon l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable au litige, qu’en cas de réserves motivées ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être différentes pour chacun.
Ainsi, ayant constaté que la caisse avait adressé un questionnaire à la victime et procédé à un entretien téléphonique avec l’un des préposés de l’employeur, l’arrêt relève qu’il ressortait de l’enquête administrative que cet entretien avait permis de recueillir des éléments d’information complets et pertinents. Il en déduit que la caisse a loyalement respecté le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l’employeur et de la victime selon les modalités qu’il lui appartenait de fixer.
Civ., 2ème, 3 juin 2021, n° 19-25571
Sur l’absence d’opposabilité à la caisse des délais dans le cadre de la procédure amiable devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA)
En matière de recours préalable, les délais impartis par les articles pour la transmission à la CMRA du rapport du médecin conseil et pour la notification de ce rapport par la commission au médecin mandaté par l’employeur sont indicatifs de la célérité de la procédure et ne sont assortis d’aucune sanction. Ainsi, leur inobservation n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision attributive du taux d’incapacité dès lors que celui-là dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de 4 mois.
Civ., 17 juin 2021, n° 21-700007 (avis)
Illustration de l’étendue de la présomption d’imputabilité
Dans cette affaire, une salariée convoquée dans le bureau de son responsable déclare « avoir bousculé ce dernier pour s’échapper car elle avait eu peur et qu’en forçant la porte, son bras était venu percuter violemment le coin de la porte ». Le certificat médical établi le même jour fait état d’un traumatisme de l’épaule droite et d’un état anxio-dépressif.
La Caisse n’a pas pris en charge ce sinistre au titre de la législation professionnelle. Pour débouter la salariée de sa contestation, la Cour d’appel relève que les lésions ne sont pas la conséquence d’un fait accidentel survenu au temps et lieu de travail, mais d’un comportement violent de la victime.
Rappelant les éléments de la présomption d’imputabilité appliquée aux évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il résulte une lésion, la Cour de cassation sanctionne l’arrêt d’appel.
Civ., 2ème, 24 juin 2021, n° 20-10964.
Sur l’étendue de la présomption d’imputabilité
La présomption d’imputabilité des accidents du travail s’étend aux lésions constatées pendant toute la période d’incapacité de travail précédant soit la guérison, soit la consolidation de l’état de la victime. Il appartient à celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins.
La Cour de cassation sanctionne la décision d’appel estimant que les juges ne peuvent écarter la présomption d’imputabilité sans caractériser la date d’apparition des lésions au regard de celle de la consolidation de l’état de la victime, ni faire ressortir l’absence de continuité des symptômes et des soins
Civ., 2ème, 24 juin 2021, n° 19-24945.
Contrôle URSSAF : la lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents consultés
Dans cette affaire, une société sollicitait la nullité de la procédure de redressement estimant que la procédure était irrégulière en raison du fait que la lettre d’observations ne faisait aucune référence aux documents consultés dans le cadre du contrôle et stockés sur une clé USB fournie par la société.
Selon l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale la lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents, consultés par l’inspecteur du recouvrement, ayant servi à établir le bien-fondé du redressement.
La Cour de cassation sanctionne la décision de la Cour d’appel laquelle avait rejeté la demande de la société estimant que cette dernière avait connaissance des fichiers informatiques contenus sur la clé USB donnée aux inspecteurs du recouvrement.
Civ., 2ème, 24 juin 2021, n° 20-10136
Risque contentieux social
Mise à pied conservatoire : nécessité de mettre en œuvre concomitamment la procédure de licenciement.
Dans cette affaire, un salarié a été mis à pied le 8 septembre 2015. Il a été convoqué le 15 septembre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et licencié par lettre du 29 septembre 2015 pour faute grave. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.
Dans la mesure où la procédure de licenciement avait été engagée 7 jours après la mise à pied conservatoire, le salarié estimait que la mise à pied était disciplinaire. Par conséquent et selon le principe » non bis in idem », le salarié ne pouvait être sanctionné deux fois pour les mêmes faits.
La Cour de cassation valide son analyse. Selon l’arrêt rendu, la mise à pied notifiée 7 jours avant l’engagement de la procédure de licenciement, constitue une mise à pied disciplinaire de sorte que l’employeur ne peut ensuite prononcer une autre sanction pour les mêmes faits.
Si la solution n’est pas nouvelle, elle mérite d’être rappelée : la procédure disciplinaire doit être engagée concomitamment à la notification de la mise à pied conservatoire.
Soc., 14 avril 2021, n° 20-12920.
Non-respect du délai de carence entre deux CDD et délai de prescription.
Une salariée a été embauchée par une association dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée. Le premier pour un remplacement du 24 avril au 11 septembre 2009, en raison d’un surcroît d’activité pour la journée du 12 septembre 2009 et pour le remplacement d’un salarié absent du 15 septembre 2009 au 8 avril 2011.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes et sollicitait la requalification des CDD en CDI à compter du 12 septembre 2009. Pour débouter la requérante de sa demande, les juges du fond estiment que l’action initiée par la requérante était prescrite.
Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’action en requalification se rattache à une action portant sur l’exécution du contrat de travail de sorte que le délai de prescription est de deux ans. La Cour de cassation précise le point de départ du délai de prescription qui est fixé au premier jour d’exécution du contrat conclu en violation du délai de carence.
En l’espèce, la salariée avait eu connaissance du non-respect du délai de carence le 12 septembre 2009. A l’époque, la prescription était quinquennale de sorte que l’action formée le 28 mai 2014 n’était pas prescrite indépendamment de l’entrée en vigueur le 14 juin 2013 d’une loi consacrant la prescription biennale.
Soc., 5 mai 2021, n° 19-14295
Recours du CSE à l’expertise dans le cadre d’un projet important
Selon l’ancien article L.4614-12 2° du code du travail (nouveau L.2315-94), le CHSCT peut faire appel à un expert en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
En l’espèce, l’instance avait voté le recours à une expertise à la suite de l’annonce d’un projet de déménagement. L’employeur a fait assigner le CHSCT aux fins d’annuler la délibération en cause.
Le Président du Tribunal de Grande instance a fait droit à la demande de l’employeur considérant que le projet n’était pour l’heure pas suffisamment avancé et que la procédure d’information /consultation du CHSCT n’était pas terminée de sorte que le projet ne pouvait être qualifié de « projet important » au sens de l’article précité.
La Cour de cassation sanctionne cette décision et valide la mission expertale estimant d’une part que le déménagement des salariés était acquis et d’autre part que le projet serait à terme de grande ampleur et engendrerait une redistribution des espaces de travail et des usages pour les salariés concernés.
Soc., 12 mai 2021, n°19-24692
L’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions conclues avec d’autres salariés
La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Il en résulte qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation naître.
Soc., 12 mai 2021, n°20-10.796 à n° 20-10.800.
Respect des délais de prescription en matière disciplinaire
Dans cette affaire, un salarié s’est vu notifier le 2 mai 2013 une mutation disciplinaire par son employeur. Ce dernier lui avait donné un délai expirant au 10 mai pour faire connaitre sa position étant précisé qu’en absence de réponse de sa part, l’expiration du délai vaudrait refus.
Le salarié a exprimé son refus le 18 mai 2013.
Le 16 juillet suivant, le salarié a été convoqué à un nouvel entretien préalable en vue d’une nouvelle sanction, fixé au 23 juillet. Par courrier du 29 juillet, l’employeur lui notifiait sa rétrogradation disciplinaire, sanction acceptée par le salarié.
Par suite, le salarié a saisi la juridiction prud’homale sollicitant l’annulation de la sanction de rétrogradation estimant que la seconde procédure disciplinaire était irrégulière en raison du non-respect du délai de prescription.
En droit, la notification par l’employeur, après l’engagement de la procédure disciplinaire, d’une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, interrompt le délai de deux mois prévu par l’article L. 1332-4 du code du travail qui court depuis la convocation à l’entretien préalable. Le refus de cette proposition par le salarié interrompt à nouveau ce délai. Il s’ensuit que la convocation du salarié par l’employeur à un entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de ce refus.
En l’espèce, le salarié avait jusqu’au 10 mai pour faire connaitre sa décision, son silence valant refus. Ainsi, le refus du salarié était acquis au 10 mai de sorte que le délai de deux mois pour réengager une procédure disciplinaire courait à partir de cette date. La Cour estime que le fait que le salarié ait fait part de façon expresse de son refus à une date ultérieure (ici le 18 mai) est indifférent sur le point de départ de la prescription.
Par conséquent, la nouvelle convocation intervenue le 16 juillet est intervenue postérieurement à l’expiration du délai de deux mois, entrainant l’annulation de la sanction de rétrogradation.
Soc., 27 mai 2021, n° 19-17587
Conditions de mise en œuvre d’une expertise dite « risque grave » par le CSE
Les dispositions de l’article L.2315-94 du code du travail permettent au CSE de faire appel à un expert lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement. Dans cette affaire, un CSE avait voté le recours à un expert alléguant un risque grave.
L’employeur formait alors un recours contestant la qualification de risque grave et sollicitant l’annulation de la délibération du CSE. Après avoir été débouté, l’employeur s’est pourvu en cassation.
La Haute juridiction confirme l’analyse des juges du fond lesquels avaient constaté :
-la multiplicité des alertes depuis plusieurs années, sans qu’un travail d’ampleur pluridisciplinaire n’ait été mis en place pour permettre une amélioration,
-la survenance de trois incidents graves dans l’établissement en cours d’année 2019, dont deux débattus lors de la réunion du 11 juin 2019,
-l’absence dans les programmes de prévention des risques professionnels 2017, 2018 et 2019 de dates de réalisation effective des mesures de prévention préconisés
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, les juges ont pu estimer que les conditions de travail étaient de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés, faisant ainsi ressortir l’existence d’un risque grave, identifié et actuel au sens de l’article L.2315-94 1° du code du travail.
Soc., 27 mai 2021, n°19-24344
Contestation d’un avis d’inaptitude : point de départ du délai de 15 jours
En l’espèce, une salariée avait été déclarée inapte à tout poste le 25 octobre 2017. L’employeur avait sollicité auprès du médecin du travail des précisions avant de saisir le 16 novembre 2017 le conseil de prud’hommes.
La question soulevée par cette affaire concernait le point de départ du délai de 15 jours dont disposent l’employeur et le salarié pour contester l’avis émis par le médecin du travail.
Ce délai court-il à compter de la date de notification de l’avis du médecin du travail ou de la date à laquelle les parties se sont vu notifier les éléments de nature médicale justifiant l’avis du médecin du travail et susceptibles d’être contestés ?
Selon l’arrêt de la Cour de cassation, le délai court à compter de la réception de l’avis, et non à compter de la réception des éléments de nature médicale le justifiant.
Soc., 2 juin 2021, n° 19-24061
Risque pénal
Condamnation du géant suédois pour avoir mis en place un système de surveillance généralisé.
La décision rendue par le Tribunal correctionnel de Versailles met fin à un imbroglio autour d’un système d’espionnage mis en place par le géant Suédois.
Si la condamnation de la personne morale au paiement d’une amende d’un million d’euros a été largement commentée par la presse, la filiale française d’IKEA n’était pas seule prévenue. En effet, 15 personnes physiques occupant toutes des postes à responsabilités étaient également inculpées pour diverses infractions relatives à la mise en place d’un système illégal de collecte de données personnelles visant notamment des salariés de la société.
Si l’on revient à la genèse de cette affaire on trouve un climat social dégradé au sein d’un établissement de la région parisienne avec l’émergence d’un mouvement de grève qui s’est étendu à l’ensemble des magasins de France. L’affaire éclate avec la publication par Le Canard Enchaîné et Médiapart de deux articles accusant l’entreprise d’espionner les clients et le personnel.
Durant le procès qui s’est tenu pendant deux semaines, les 16 prévenus cumulaient un total de 81 chefs d’infractions relatifs à la mise en place d’un système de collecte de données personnelles visant notamment des salariés de la société. L’ancien directeur général, en poste au moment des faits, est condamné à une peine deux ans de sursis simple et 50.000 euros d’amende. Plusieurs directeurs de magasins écopent des peines allant de six à huit mois avec sursis et de 2.500 à 5.000 euros d’amende.
La société est condamnée pour avoir « institutionnalisé une politique généralisée d’enquêtes officieuses et de recherches déloyales et illicites, utilisant les services de policiers et gendarmes » et « payé les prestations de plusieurs sociétés » à ces fins. Autre la peine d’amende d’un million d’euros, la personne morale est condamnée à verser des indemnités aux parties civiles (particuliers et syndicats) pour un montant global de 300.000 euros outre 80.000 euros au titre des frais de procédure.
Tribunal correctionnel de Versailles, 15 juin 2021.
Défense pénale : sur la notification du droit de se taire au prévenu
Dans cette affaire, les gérants d’une société avaient été poursuivis devant la juridiction pénale du chef d’escroquerie à la TVA. Malgré une relaxe en première instance, ils ont été condamnés en appel.
Au soutien de leur pourvoi en cassation, les gérants invoquaient l’absence de notification des droits énoncés à l’article 406 du code de procédure pénale à savoir le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire.
Si la Cour de cassation rappelle que l’absence de notification de ses droits fait nécessairement grief, elle ne retient pas le moyen soulevé. En effet, elle estime qu’il suffit que la notification ait été faite à l’ouverture des débats sans qu’il y ait besoin de procéder à une seconde notification lors de la réouverture des débats. Ainsi la notification des droits à l’ouverture initiale des débats vaut pour leur ensemble.
Crim. 16 juin 2021, 19-86630.
Risque environnemental
Contrôle du respect de la règlementation des ICPE par l’usage d’un drone.
Dans le cadre des débats relatifs au projet de loi climat, un amendement relatif au contrôle des installations classées a été adopté le 17 avril dernier.
Selon le texte, le législateur encadre l’utilisation des drones par les inspecteurs de l’environnement. Les images et données physiques ou chimiques captées peuvent être produites sur réquisition judiciaire afin d’alimenter la procédure pénale pour les délits de mise en danger de l’environnement et de pollution des eaux et de l’air.
L'irrégularité de l'avis entâche d'illégalité la décision
Les projets d’ICPE ou de travaux susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement doivent être précédés d’une étude d’impact dans le cadre de leur autorisation. Sur la base de l’avis émis par l’autorité environnementale le préfet de région adopte une décision d’autorisation ou de refus du projet.
Par un arrêt du 28 avril 2021, le Conseil d’Etat rappelle que si le préfet est à la fois l’autorité administrative autorisant le projet et l’autorité environnementale émettant un avis sur celui-ci, la séparation fonctionnelle n’est pas assurée. Par conséquent l’irrégularité de la procédure entraîne l’annulation de la décision délivrée.
Conseil d’Etat, 28 avril 2021, n° 437581