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La qualification juridique de la faute invoquée au soutien d'un licenciement disciplinaire
Risque hygiène sécurité
Reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies liées à une infection au SARS-COV2
Compétence de la CMRA au 1er septembre 2020
L'étendue de la présomption d'imputabilité des jours d'arrêts
Défense de l'employeur pour écarter la faute inexcusable
Un état dépressif en relation avec un problème professionnel est-il toujours un accident du travail ?
L'intitulé de la pathologie limite la prise en charge au titre d'un tableau de maladie professionnelle
Point de départ du délai d'instruction par la Caisse
La complétude du dossier transmis au CRRMP conditionne la validité de l'avis rendu
Risque contentieux social
L'irrégularité de l'affichage du règlement intérieur entraîne la nullité de la sanction disciplinaire
Nullité de la rupture conventionnelle en cas de pression exercée sur le salarié
Faute de l'employeur à l'origine de la liquidation judiciaire
Amiante : point de départ de la prescription
Sanction disciplinaire pour des propos déloyaux échangés par mail
Protection du lanceur d'alerte
Licenciement du salarié qui dénonce de mauvaise foi un harcèlement
A quelle condition l'employeur peut produire des extraits du compte privé Facebook d'un salarié
Indemnisation du préjudice d'anxiété du salarié sous-traitant
Risque pénal
Peine d'emprisonnement avec sursis pour harcèlement moral
Responsabilité du délégataire en cas d'accident
Risque environnemental
Traitement des déchets industriels : sanction en cas de pollution
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La qualification juridique de la faute invoquée au soutien d'un licenciement disciplinaire
Par deux décisions rendues le 16 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation revient sur l’office du juge prud’homal en matière d’appréciation du degré de gravité de la faute dans le cadre d’un licenciement disciplinaire.
Dans une première espèce (n° 18-25943), une salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour faute lourde un mois plus tard. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel relève que les faits de non-encaissement de chèques entrainant un retard de trésorerie préjudiciable à l’association ne permettent pas de caractériser l’intention de nuire reprochée à la salariée au fondement de son licenciement. La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si les faits invoqués étaient constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse.
La seconde affaire (n° 19-10583) concernait un salarié licencié pour cause réelle et sérieuse, lequel avait été mis à pied à titre conservatoire pour une faute grave commise pendant le préavis. Alors qu’il avait saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement, la Cour d’appel a estimé que le licenciement reposait non pas sur une cause réelle et sérieuse mais sur une faute grave. La Cour régulatrice casse l’arrêt d’appel au motif que le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement.
Le contrôle du bien-fondé du motif disciplinaire du licenciement échappe aux dispositions des articles L.1333-1 et suivants du code du travail lesquelles organisent le contrôle judiciaire des sanctions disciplinaires prononcées par l’employeur. En effet, nous rappellerons que s’agissant des sanctions disciplinaires autres que le licenciement, l’article L.1333-2 du code du travail prévoit l’annulation des sanctions irrégulières, injustifiées ou disproportionnées à la faute commise par le salarié.
Pourtant, dans le cadre d’un licenciement pour faute, le contrôle du juge n’aboutit pas à l’annulation du licenciement mais simplement, lorsque la faute n’est pas retenue, au versement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans les deux arrêts, la Cour de cassation revient sur les règles relatives à l’appréciation de la gravité de la faute par les juridictions lesquelles exercent un contrôle limité par la qualification des faits donnée par l’employeur dans le cadre de la lettre de licenciement.
• La qualification des faits reprochés au salarié par l’employeur
Selon l’article L.1331-1 du code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
A la lecture de cet article, on constate que la qualification des faits par l’employeur est déterminante. Si l’employeur se place sur le terrain disciplinaire en considérant tel agissement d’un salarié comme fautif, alors, le litige sera jugé sur le terrain disciplinaire. En ce sens, une Cour d’appel ne saurait écarter la faute tout en retenant l’insuffisance professionnelle pour justifier du licenciement du salarié alors que le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire (Soc. 9 mai 2000).
Cette affirmation comporte néanmoins des tempéraments, le domaine disciplinaire étant strictement limité à la sphère professionnelle à la fois par la nature des faits invoqués qui doivent constituer une faute suffisante pour justifier d’une sanction et par la possibilité de rattacher ces faits au pouvoir disciplinaire de l’employeur entendu comme le domaine où il exerce son autorité. Ainsi, l’employeur a l’initiative de se placer sur le terrain disciplinaire. Il doit néanmoins porter une attention particulière à la justification de son choix dans la mesure où le juge exercera son contrôle sur la base de la lettre de licenciement.
En effet, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La formule est classique, mais emporte des conséquences tant pour l’employeur que pour le juge.
S’agissant de l’employeur, ce dernier doit motiver son licenciement et ne peut pas invoquer des motifs qu’ils n’auraient pas notifiés au salarié. Depuis l’ordonnance dite « Macron » du 22 septembre 2017, le législateur permet à l’employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement
dans un délai de quinze jours.
Cette faculté laissée à l’employeur présente un double intérêt, régulariser une lettre de licenciement dont les motifs ne seraient pas assez étayés et/ou, répondre au salarié qui peut lui-même solliciter auprès de l’employeur des précisions pouvant soulever par là même un problème d’insuffisance de motivation. Nous pouvons néanmoins penser que la possibilité de préciser les motifs dans la lettre ne saurait être assimilée à la possibilité d’invoquer de nouveaux motifs ni même de pallier l’absence totale de motifs.
S’agissant du juge, il lui appartient d’examiner l’ensemble des motifs invoqués pour vérifier s’ils présentent un caractère réel et sérieux.
• Le contrôle judiciaire de la qualification des faits et de la faute
Le juge est lié par la nature du motif invoqué par l’employeur. A ce titre, il ne peut décider qu’un licenciement serait justifié par une cause économique si le salarié a été licencié pour faute.
Néanmoins, il n’est pas lié par la qualification des faits retenue par l’employeur. En ce sens, il a le pouvoir et même le devoir de contrôler non seulement l’exactitude matérielle des faits, mais aussi leur qualification juridique. En ce sens, la juridiction prud’homale s’attachera à vérifier que les faits invoqués par l’employeur constituent bien une faute sérieuse, grave ou lourde selon la qualification énoncée dans la lettre
de licenciement.
En dehors des cas où les juges du fond confirment la décision de l’employeur, se pose la question de savoir s’ils peuvent, dans le cadre de leur appréciation souveraine des éléments, disqualifier la faute invoquée ou, au contraire, l’aggraver. La réponse de la Haute juridiction s’inscrit dans une jurisprudence protectrice du salarié dans le sens où seules les requalifications qui leur sont favorables sont admises. Autrement dit, le juge peut prononcer une sanction moins sévère à l’encontre du salarié, mais en aucun cas aggraver la faute (pourvoi n° 19-10583)
Ainsi, en l’absence de faute lourde, les juges doivent rechercher si les faits reprochés au salarié sont constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement (pourvoi n°18-25943).
Risque hygiène sécurité
Reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies liées à une infection au SARS-COV2
Le décret n°2020-1131 du 14 septembre 2020 vient compléter le code de la sécurité sociale d’un tableau n°100 intitulé « affections respiratoires aigües liées à une infection au SARS-COV2 ».
Conformément aux engagements du gouvernement, la reconnaissance automatique du caractère professionnel de cette pathologie bénéficie au personnel soignant uniquement. Pour les travailleurs non-soignants le gouvernement annonce une procédure spécifique de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie avec la création d’un comité unique national de reconnaissance dédié au Covid-19 en lieu et place du CRRMP.
Selon un communiqué du 30 juin 2020, le ministère de la santé précisait que cette nouvelle instance recevrait des recommandations pour faciliter la prise en charge de la pathologie chez des salariés atteints de formes sévères et chez ceux pour qui le télétravail n’a pas pu être mis en place pendant
le confinement.
Dans le cadre de cette même communication, le ministère de la santé avait annoncé la suppression de la condition d’un taux d’incapacité de 25%. Le décret reste silencieux sur ce point.
Compétence de la CMRA au 1er septembre 2020
Jusqu’au 31 août 2020 et en phase amiable, seule la CRA était initialement compétente. A ce sujet, nous rappellerons que la loi 18 du novembre 2016 relative à la nouvelle organisation du contentieux de la sécurité sociale, n’était pas venue modifier le champ de compétence des CRA dans le cadre des réclamations relevant de la compétence des juridictions du contentieux général formées à l’encontre des décisions prises par les organismes de sécurité sociale. Les commissions étaient
donc légitimes à statuer sur une problématique certes médicale, en l’occurrence la contestation de la date de consolidation, mais dépendant in fine de la compétence du TASS.
Par décret du 30 décembre 2019, relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale, le pouvoir exécutif a entendu réorganiser les compétences et centraliser les problématiques médicales auprès de la CMRA, en phase précontentieuse. En application de l’article 9 du décret susvisé, la modification du titre de ces articles laisse peu d’ambiguïté sur la compétence de la CMRA en phase amiable. Ainsi et étant applicable à compter du 1er septembre 2020, ce dernier va contraindre les employeurs à saisir ladite instance avant toute action judiciaire, entrainant le décompte du délai opposable tant à la CPAM qu’au praticien désigné
par l’employeur qui aura la charge d’étudier les éléments du dossier médical.
Du fait du secret médical, restreignant les possibilités de communication entre l’employeur et le médecin qu’il a désigné, ce dernier aura la charge d’étudier les documents et de transmettre ses observations dans un délai de vingt jours à compter de leur réception.
L'étendue de la présomption d'imputabilité des jours d'arrêts
Un salarié a été victime le 18 février 2011 d’un accident du travail pris en charge et indemnisé par la Caisse jusqu’à la date de consolidation fixée au 30 octobre 2012. Devant le tribunal, l’employeur contestait l’imputabilité professionnelle des arrêts prescrits.
Pour faire droit à la demande de l’employeur et réduire la durée des arrêts au titre de l’accident du travail, la Cour d’appel retient que la Caisse ne produit pas de certificat médical d’arrêt de travail postérieur au certificat initial du 21 février 2011 qui a prescrit un arrêt jusqu’au 24 avril 2011 inclus.
Selon les juges du fond, les attestations de paiement des indemnités journalières ne permettent pas de vérifier qu’il existe bien une continuité des symptômes et des soins après le 24 avril 2011 et jusqu’à la date de la consolidation.
Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’à la suite d’un accident du travail, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.
Ainsi, relevant que la Caisse avait versé des indemnités journalières jusqu’au 30 octobre 2012 (date de la consolidation), la présomption d’imputabilité au travail de l’ensemble des jours d’arrêt devait être appliquée jusqu’à cette date.
Cass. 2e civ. 9 juillet 2020 n° 19-17626
Défense de l'employeur pour écarter la faute inexcusable
Selon l’arrêt, un salarié a été victime d’un accident consécutif à une explosion. A la suite de la prise en charge de ce sinistre par la Caisse, le salarié a formé un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Pour écarter la faute inexcusable de l’employeur, les juges relèvent que :
-le risque d’explosion, dans les circonstances précises de l’accident, n’était pas connu de l’employeur
-une évaluation spécifique du risque chimique avait été réalisée
-le CHSCT avait été régulièrement informé et associé à la démarche d’évaluation des risques
-des procédures de gestion du stockage, de manipulation des produits chimiques avec la conduite à tenir en cas d’erreurs de manipulation avaient été mises en place par l’employeur incluant une formation de tous les salariés et un contrôle des connaissances.
-des audits internes de sécurité étaient organisés.
De plus, il convient de préciser que si le risque à l’origine de l’accident était jusqu’alors méconnu de l’employeur, l’accident procédait également de plusieurs manquements individuels contrevenant aux procédures internes de sécurité mises en place par l’employeur et pour lesquelles les salariés
étaient formés.
La Cour de cassation confirme la décision des juges d’appel d’écarter la faute inexcusable de l’employeur, lequel ne pouvait avoir conscience du danger auquel ses salariés pouvaient être exposés.
Civ., 2ème, 9 juillet 2020, n° 19-11643
Un état dépressif en relation avec un problème professionnel est-il toujours un accident du travail ?
Dans cette affaire, un salarié a adressé à la Caisse une déclaration pour un accident survenu le 20 novembre 2007 à laquelle était joint un certificat médical du 27 novembre 2007 mentionnant un « état dépressif en relation avec un problème professionnel ». Plus tard, en février 2008, un second certificat daté du 14 novembre 2007 précisait qu’un accident du travail était survenu le même jour.
A la suite du refus de prise en charge par la Caisse, le salarié a formé un recours devant une juridiction de sécurité sociale.
La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel laquelle estimait que le salarié ne rapportait pas la preuve de la réalité de l’évènement anxiogène qu’il prétendait avoir subi le 13 novembre 2007. Elle considère que l’ensemble des certificats médicaux et allégations de la victime concernant « une dépression réactionnelle au travail », traduisent une dégradation lente des conditions de travail laquelle ne répond pas aux critères de prise en charge d’un accident du travail.
Civ., 2ème, 9 juillet 2020, n° 19-12956.
L'intitulé de la pathologie limite la prise en charge au titre d'un tableau de maladie professionnelle
Un employeur a contesté une décision de prise en charge d’une maladie professionnelle estimant que la maladie ne correspondait pas à celle du tableau.
Le certificat médical initial mentionnait « une lombosciatique gauche récidivante et une hernie discale L4-L5 » et le salarié sollicitait la prise en charge de cette affection au titre du tableau 98, lequel vise une « sciatique par hernie discale L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ».
Pour confirmer l’opposabilité de la prise en charge, la Cour d’appel relève certes que le certificat médical mentionne une maladie différente de celle inscrite au tableau mais que le médecin conseil de la caisse a considéré qu’il y a une « équivalence » entre les deux libellés concluant que les conditions médicales du tableau étaient remplies. La Cour de cassation sanctionne cette décision et rappelle que la maladie mentionnée au certificat médical doit être conforme à celle du tableau pour bénéficier de la présomption d’imputabilité.
Civ., 2ème, 9 juillet 2020, n° 19-13851.
Point de départ du délai d'instruction par la Caisse
Selon l’article R.441-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, la caisse dispose d’un délai d’instruction de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel. L’article
R.441-14 du même code précise qu’en l’absence de décision de la caisse dans ce délai, le caractère professionnel de l’accident est reconnu.
En cas d’accident mortel, ce délai commence à courir à la date où la caisse a reçu la déclaration d’accident et le certificat de décès.
En l’espèce, une salariée s’est suicidée sur les voies du RER le 10 septembre 2015 en fin de matinée, sans s’être présentée au travail le matin même. Son employeur a formalisé une déclaration d’accident de trajet complétée d’une lettre de réserves.
Dans cette affaire, la problématique concerne la date de réception du certificat de décès et par extension la date de début du délai de 30 jours. La Caisse prétend que le certificat de décès reçu le 26 octobre 2015 n’était pas suffisamment détaillé pour déterminer l’origine mortelle des lésions et qu’elle avait dû attendre le 23 novembre 2015 pour recevoir un nouveau certificat conforme. Pour rejeter cet argument les juges du fond relèvent que le même jour (26 octobre 2015) la Caisse avait été destinataire d’une attestation du Procureur de la République précisant expressément que » la mort était consécutive à un polytraumatisme majeur » de sorte que l’argument est inacceptable dans les circonstances de la cause.
Ainsi, la Caisse n’a pas respecté le délai de 30 jours impartis en adressant seulement le 21 décembre 2015 un courrier d’instruction complémentaire. Les ayants-droit de la défunte sont légitimes à se prévaloir d’une décision implicite de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle.
Civ., 2ème, 16 juillet 2020, n° 19-15178.
La complétude du dossier transmis au CRRMP conditionne la validité de l'avis rendu
Lorsque les conditions du tableau ne sont pas respectées, la caisse transmet le dossier au CRRMP pour recueillir son avis avant de statuer sur la prise en charge de l’affection au titre de la législation professionnelle.
Selon les dispositions de l’article D.461-29 du code de la sécurité sociale, le dossier examiné par le comité doit comporter certains éléments dont l’avis motivé du médecin du travail.
En l’espèce, deux CRRMP ont rendu un avis favorable à la prise en charge d’une affection sans avoir eu connaissance de l’avis du médecin du travail, alors même que l’employeur établit avoir communiqué à la caisse les coordonnées du médecin.
Dans la mesure où la caisse ne justifie pas avoir tenté d’obtenir l’avis du médecin ni d’avoir été dans l’impossibilité de le recueillir, la décision de prise en charge a été prise sans respecter les dispositions de l’article D.461-29, de sorte qu’elle doit être déclarée inopposable à l’employeur.
Civ., 2ème, 24 septembre 2020, n° 19-17553.
Risque contentieux social
L'irrégularité de l'affichage du règlement intérieur entraîne la nullité de la sanction disciplinaire
Selon les dispositions du code du travail, une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié dans une entreprise d’au moins 20 salariés (50 depuis le 1er janvier 2020) que si elle est prévue au règlement intérieur et que ce dernier est opposable au salarié.
En l’espèce, une salariée a été sanctionnée d’une mise à pied disciplinaire d’une journée pour avoir eu « un comportement anormal en tenant des propos déplacés, dénigrants voire menaçants à l’égard de certains de ses collègues ».
La Cour de cassation relève que le règlement intérieur de l’entreprise était affiché uniquement dans la salle de pause, en méconnaissance des dispositions du Code du travail, de sorte qu’il n’était pas opposable à la salariée. En conséquence, la mise à pied disciplinaire est annulée.
Soc., 1er juillet 2020, n° 18-24556.
Nullité de la rupture conventionnelle en cas de pression exercée sur le salarié
Le consentement à la rupture du contrat de travail doit être donné librement sous peine de la voir requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si la rupture conventionnelle peut être signée alors qu’il existe un différend entre l’employeur et le salarié, aucune pression ne saurait être exercée sur ce dernier en vue de le contraindre à signer une rupture conventionnelle.
Dans cette affaire, à la suite de la nomination d’un nouveau dirigeant, un salarié a été sanctionné à plusieurs reprises de deux avertissements pour des fautes, une insubordination alors que ses compétences n’avaient jamais été mises en cause auparavant. Ces différentes sanctions ont eu pour conséquence de détériorer l’état de santé du salarié lequel a été arrêté à trois reprises pour un syndrome anxio-dépressif.
Les juges du fond, dont l’analyse a été confirmée par la Cour de cassation, ont estimé que l’employeur avait fait pression sur le salarié en le sanctionnant à deux reprises et de façon injustifiée. La dégradation de son état de santé dans un contexte de violence morale n’a pu qu’altérer son consentement à la rupture conventionnelle, laquelle est par conséquent annulée.
Soc., 8 juillet 2020, n° 19-15441.
Faute de l'employeur à l'origine de la liquidation judiciaire
Dans cette affaire, la question était de savoir si un salarié licencié pour motif économique peut invoquer la faute de son employeur lorsqu’il estime que ce dernier est à l’origine de la cessation d’activité pour obtenir un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, la salariée demanderesse à l’action avait été licenciée pour motif économique le 9 juillet 2013 en raison de la liquidation judiciaire impliquant la cessation de l’activité. Le dirigeant de la société avait été condamné par jugement du 13 octobre 2015 à payer au liquidateur judiciaire une somme correspondant à la totalité de l’insuffisance d’actif en raison, notamment, d’un défaut de déclaration d’état de cessation des paiements et d’un détournement d’actifs.
La Cour de cassation confirme l’analyse des juges qui, pour rejeter la demande de la salariée, relèvent que les fautes invoquées au soutien de sa demande ont été commises après l’ouverture de la procédure collective de sorte qu’elles n’étaient pas à l’origine de la liquidation judiciaire.
Soc., 8 juillet 2020, n° 18-26140.
Amiante : point de départ de la prescription
Dans cette affaire, plusieurs salariés ont saisi la juridiction prud’homale en 2015 pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété et pour violation de l’obligation de sécurité.
Pour déclarer l’action prescrite, la Cour d’appel retient qu’en 2004 un cabinet de désamiantage a été installé dans un bâtiment de l’entreprise et que c’est donc au plus tard à cette date que les salariés avaient ou auraient dû avoir conscience d’une possible exposition à l’amiante.
La Cour de cassation sanctionne cette décision et rappelle que le point de départ du délai de prescription de l’action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d’anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin. Il appartenait aux juges du fond de rechercher à quelle date les salariés avaient cessé d’être exposés à l’amiante.
Soc., 8 juillet 2020, n°18-26585.
Sanction disciplinaire pour des propos déloyaux échangés par mail
L’affaire présentée devant la chambre sociale de la Cour de cassation posait la question de la justification du motif disciplinaire du licenciement d’un salarié, lequel se voyait reprocher d’avoir tenu des propos insultants et dégradants dans le cadre de messages échangés par mail avec une collègue.
Plus précisément, la Cour devait se prononcer sur la validité des preuves recueillies par l’employeur sur la messagerie du salarié. A ce titre, ce dernier avançait le secret des correspondances pour solliciter la nullité du licenciement estimant que l’employeur ne pouvait valablement prendre connaissances de messages personnels.
Pour débouter le salarié de ses demandes, les juges relèvent que les messages litigieux provenaient d’une boîte mail professionnelle et n’avaient pas été identifiés comme personnels ce dont il résultait que l’employeur pouvait librement en prendre connaissance. Sur le contenu des mails, la Cour constate qu’ils comportaient des propos insultants et dégradants envers des supérieurs et subordonnés, et de nombreuses critiques sur l’organisation, la stratégie et les méthodes de l’entreprise.
Ainsi et excluant tout caractère privé desdits messages, la Cour estime qu’ils révèlent un comportement déloyal du salarié et qu’ils peuvent être invoqués au soutien d’une procédure disciplinaire dirigée à son encontre.
Soc., 9 septembre 2020, n° 18-20489.
Protection du lanceur d'alerte
La chambre sociale de la Cour de cassation a été saisie d’une affaire relative à la protection des salariés lanceurs d’alerte lesquels bénéficient d’un régime particulier instauré par la loi « Sapin I » du 6 décembre 2013.
A ce titre, l’article L.1132-3-3 du code du travail, dans sa version issue de ladite loi dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute grave aux motifs qu’il aurait dénigré l’entreprise et déposé plainte contre le responsable de l’agence pour déstabiliser la structure. Si la Cour d’appel rejette la demande du salarié de voir déclarer le licenciement abusif, la Cour de cassation estime que la mauvaise foi du salarié ne peut résulter que de la connaissance par ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne seraient pas établis.
Soc., 8 juillet 2020, n° 18-13593.
Licenciement du salarié qui dénonce de mauvaise foi un harcèlement
Selon l’article L.1152-2 et suivants du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral. Toute rupture du contrat qui en résulterait serait nulle de plein droit. Seule la preuve de la mauvaise foi du salarié, laquelle résulterait de sa connaissance de la fausseté des faits qu’il a dénoncés permettrait à l’employeur de le licencier pour ce motif.
Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral. Il conteste devant le Conseil de Prud’hommes son licenciement estimant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne mentionne pas expressément sa « mauvaise foi » mais se contente de dire que les agissements de harcèlement moral invoqués ne seraient pas avérés et que le salarié lui-même hésiterait sur la qualification des faits.
La Cour de cassation estime que « l’absence éventuelle, dans la lettre de licenciement, de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge ».
En ce sens et pour caractériser la mauvaise foi du salarié, les juges relèvent qu’il avait reproché pendant plusieurs mois à son employeur de ne pas lui avoir donné les motifs de sa sortie de mission alors qu’ils avaient été portés à sa connaissance par écrit.
Les juges déduisent la fausseté de ses allégations sur la base de deux éléments :
-la contradiction entre son souhait d’obtenir des explications sur le motif de son retrait de mission et son refus persistant de « s’expliquer loyalement » avec son employeur
-le caractère répétitif de sa posture d’ouverture au dialogue alors qu’il avait mis en échec toutes les tentatives de communication de l’employeur en refusant tous les rendez-vous qui lui étaient donnés.
Par conséquent, la Cour de cassation confirme l’appréciation des juges du fond lesquels retiennent le licenciement du salarié en raison de sa mauvaise foi.
Soc., 16 septembre 2020, n° 18-26696.
A quelle condition l'employeur peut produire des extraits du compte privé Facebook d'un salarié
Si le principe de loyauté dans l’administration de la preuve écarte toute possibilité pour l’employeur de recourir à un stratagème, la Cour de cassation vient de lui reconnaitre le droit de produire en justice des éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte qui est faite à la vie privée dudit salarié soit proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave pour avoir publié sur son compte Facebook une photo de la nouvelle collection de l’enseigne, laquelle avait été présentée exclusivement aux commerciaux de la société. Compte tenu du fait que le compte était « privé », et s’appuyant sur une jurisprudence bien établie, la salariée estimait que son employeur ne pouvait pas accéder à son contenu sans porter atteinte
à sa vie privée, et que ce mode de preuve était déloyal.
La Cour de cassation relève que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » au compte privé. En plus de la photo, l’employeur avait fait procéder à un constat d’huissier pour préciser l’identité de la détentrice du compte et montrer que parmi les « amis » de la salariée certains travaillaient dans le même secteur d’activité.
Dans un premier temps, les juges reconnaissent que ce mode de preuve porte atteinte à la vie privée de la salariée.
Cependant, ils considèrent que la production de ces éléments était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi c’est-à-dire, à la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.
Soc., 30 septembre 2020, n° 19-12058
Indemnisation du préjudice d'anxiété du salarié sous-traitant
Pour obtenir une indemnisation au titre du préjudice d’anxiété, le salarié doit justifier d’une exposition à l’amiante entrainant un risque élevé de développer une pathologie grave. Bien que l’établissement qui l’employait ne soit pas mentionné sur les listes ACAATA, le salarié, qui dans le cadre d’un contrat de sous-traitance a travaillé pour une société tierce inscrite sur la liste des établissements ouvrants droit à la pré-retraite amiante, peut engager la responsabilité de son employeur sur le fondement de l’obligation de sécurité de résultat.
Soc. 30 septembre 2020, n° 19-10352.
Risque pénal
Peine d'emprisonnement avec sursis pour harcèlement moral
Dans cette affaire, l’inspection du travail a été saisie de plusieurs plaintes de salariés d’un hypermarché visant des comportements irrespectueux et déplacés du directeur général et du directeur du magasin.
Sur signalement de l’administration, le Procureur de la République a diligenté une enquête à l’issue de laquelle les deux dirigeants ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel. Par une première décision, les deux prévenus ont été reconnus coupables.
Pour confirmer la décision de la Cour d’appel, laquelle a reconnu la culpabilité des prévenus, la Cour de cassation retient plusieurs éléments mis en évidence dans le cadre de l’enquête à savoir : des propos humiliants et offensants et une surveillance permanente des actions des salariés concernés. Les salariés subissaient des changements incessants de poste, d’horaires, des ordres contradictoires, traduisant une dégradation avérée et importante de leurs conditions de travail.
Aussi et sur la base des rapports de l’inspection du travail, des certificats médicaux attestant d’état dépressif, des arrêts de travail consécutifs à un harcèlement et à de mauvaises conditions de travail, de l’alerte du médecin du travail et des avertissements adressés à l’entreprise par l’inspection du travail, les juges ont pu déduire l’existence d’agissements répétés ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et de porter atteinte à la santé physique et/ou mentale des salariés.
Par conséquent, sur la base de l’ensemble de ces éléments, les juges ont pu caractériser le délit de harcèlement moral et confirmer la condamnation des deux prévenus, prononcée par la Cour d’appel, à 18 et 24 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve.
Crim., 1er septembre 2020, n° 19-82532.
Responsabilité du délégataire en cas d'accident
Dans cette affaire, un maitre d’ouvrage a conclu avec une entreprise spécialisée une convention, laquelle prévoyait un coordonnateur affecté au chantier, pour une mission de protection de la santé et de la sécurité des ouvriers.
Au cours du chantier, un salarié a présenté des signes d’une intoxication au plomb. Les examens ont révélé une plombémie (mesure du taux de plomb présent dans le sang) supérieure à la moyenne chez ce salarié mais aussi chez sept autres de ses collègues. La société et le coordinateur sécurité ont été inculpés des chefs de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité et mise en danger de la vie d’autrui. Les deux prévenus ainsi que la société ont été reconnus coupables.
En effet, les juges ont estimé que le salarié de cette société avait été désigné coordonnateur dans le contrat de mission de sécurité signée avec le maitre d’ouvrage. Relevant que le salarié disposait de la formation et de la qualification, des pouvoirs et moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission, les juges en déduisent qu’il disposait d’une délégation de pouvoirs et avait la qualité de représentant de la société prévenue. Au visa des dispositions de l’article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont pénalement responsables des infractions commises par leurs représentants de sorte que les juges estiment que la société titulaire de la mission de sécurité ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité.
Crim. 1 er septembre 2020, n°19-85332.
Risque environnemental
Traitement des déchets industriels : sanction en cas de pollution
Une entreprise a été attaquée en justice pour pollution consécutive à l’utilisation d’un oxydateur pour l’incinération de déchets industriels liquides et d’effluents gazeux occasionnant des valeurs de poussière trop élevées.
En l’espèce, un arrêté préfectoral en date du 30 mai 2011, fixait les prescriptions techniques concernant les rejets atmosphériques et notamment une valeur maximale de 10mg/ m3 de poussières sur l’oxydateur thermique, valeur largement dépassée par la société : jusqu’à 218mg/Nm3 en juillet 2016 et 639 mg/Nm3 en mai 2017. Une association agréée au titre de la protection de la nature sollicite la réparation du préjudice écologique à hauteur de 10.000 euros et celle du préjudice collectif environnemental à hauteur de 5.000 euros.
Sur la réparation du préjudice écologique : les juges relèvent que le simple dépassement des valeurs limites ne peut qu’avoir des répercussions sur l’environnement de l’installation industrielle et condamnent la société à verser une somme de 10.000 euros en réparation.
S’agissant de la réparation du préjudice environnemental collectif : ce dernier est caractérisé par des atteintes portées à des intérêts humains dépassant la somme des intérêts individuels et qui nuisent à la défense de l’environnement. A ce titre, l’association soutient que les efforts déployés par les parties civiles pour assurer la défense de l’environnement constituent un préjudice moral.
La société réplique que l’appréciation de ce préjudice est fonction de l’ampleur de l’atteinte à l’environnement et des actions menées par ces associations pour lutter contre la pollution ce qui ne serait pas démontré selon la défenderesse.
Pour faire droit à la demande d’indemnisation, les juges considèrent qu’en plus de l’atteinte avérée à l’environnement l’association a produit de nombreuses pièces attestant de son engagement pour la protection de l’environnement à savoir : sa participation à des instances chargées de veiller au respect des normes environnementales, la rédaction d’études et le dépôt de plusieurs plaintes motivées.
Tribunal judiciaire de Pau, 22 juin 2020, n°9999.